« Lorsque le doigt montre la Lune, l'imbécile regarde le doigt. Proverbe chinois Le présent article traite de questions actuelles ou appelées à prendre de l'importance, concernant l'utilisation de la science et de la technologie (S et T) pour le développement. Il ne saurait prétendre à l'exhaustivité, mais il se propose, plus modestement, de mettre en lumière le domaine de la gestion de la S et T, qui est l'un des principaux problèmes qui se posent en matière de développement scientifique et technologique. Car la gestion du développement exige de ceux qui en sont responsables une vision aussi lucide que possible des éléments et interactions qui sont impliqués dans le processus complexe du développement. Le rôle joué par la S et T dans la croissance économique est à la fois relativement clair et généralement reconnu de tous. Cependant, son action sur l'évolution générale de la société est moins évidente. En effet, sans une analyse en profondeur des phénomènes en cause, le rôle de la S et T ne pourrait être expliqué véritablement, ce qui ne permet pas d'en déduire des modalités concrètes d'action. Constater les progrès rapides de la S et T, les changements considérables entraînés par ce progrès dans les divers secteurs de la vie économique, les dépenses croissantes de recherche et la nécessité ressentie par les Etats de se doter de politique volontariste de la S et T, conduit à admettre l'existence d'une relation d'interdépendance entre science et technologie, croissance économique. Sans explication globale du rôle fondamental de l'innovation, pris dans son acception la plus large, sur le développement multidimensionnel des sociétés, il est difficile de comprendre les réussites et les échecs du passé et de mettre de façon systématique et efficace dans l'avenir la S et T au service d'un développement harmonieux et endogène(1). La rapidité de l'évolution des technologies est un des traits les plus marquants de notre époque. Les progrès technologiques, rendus possibles par l'élargissement et l'approfondissement des connaissances, se manifestent dans des secteurs dits de technologies universelles : la biotechnologie, la microélectronique et les matériaux nouveaux. Les applications de ces technologies ont d'importantes répercussions sur le développement des nations et le bien-être de leurs populations. Il y a lieu de rappeler le souhait de la plus haute instance du continent africain de se forger une capacité dans ses domaines technologiques, qui seront ceux de la civilisation du troisième millénaire lors de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA à Addis Abéba. Cependant, les efforts déployés tant au niveau national que régional pour promouvoir la politique et gestion de la S et T ont été considérablement entravés et relativement marginalisés. Il y a eu peu de cohérence dans l'intégration des activités entre institutions nationales et dans l'orientation des programmes de recherche et de formation vers le développement des capacités nationales. Par conséquent, les ressources d'appui limitées ont été gaspillées. Toutefois, la nécessité de renforcer les capacités en matière de politique et de gestion de S et T demeure plus que jamais une priorité pressante à ce tournant décisif de l'histoire où l'Algérie est intimement contrainte d'adopter une stratégie offensive de développement axée sur la S et T. Nous avons bien insisté dans notre récent article 3, sur le fait que ce n'est pas faute de moyens, mais une simple carence d'idées claires, susceptibles de traduire en action l'intégration d'une politique explicite de la S et T dans la politique générale de développement économique et social. Cependant, la complexité croissante du développement scientifique et technologique exige un niveau d'organisation élevé, couplé à une convergence rmultisectorielle d'efforts. C'est pourquoi les gouvernements sont de plus en plus nombreux à se doter d'une politique nationale globale de la S et T, conçue dans le cadre des plans de développement nationaux et contribuant ainsi à réaliser leurs objectifs. Sur ce point, il conviendrait mieux, de citer Mao Tsé-toung qui disait : « La meilleure preuve de la justesse de nos idées, c'est leur réussite dans le domaine économique. » Comment expliquer que l'Algérie ne soit pas parvenue au résultat que d'autres sociétés, parties du même point, ont atteint en l'espace de quarante ans. Pour citer une réussite, ou des réussites, qui peut nous révéler l'inefficacité de nos plans du développement, on peut prendre comme terme de comparaison les pays d'Asie appelés « nouveaux Etats industriels » - Corée du Sud, Taiwan, Hong-Kong, Singapour, Malaisie, Chine, Vietnam - qui s'affirment grâce à leur lucidité et au progrès de la S et T et à l'attention accordée au processus de gestion de S et T et les liens à établir entre S et T et les objectifs sociaux et économiques. La prise de conscience du dernier aspect a dicté aux responsables des organismes directeurs de la politique scientifique et technologique et de ceux chargés de la planification économique en Asie et dans le Pacifique de créer le réseau d'institutions pour la formation et la recherche dans le domaine de la gestion de la S et T Stepan (Science and Technology Policy Asian Network) en 1988 qui faisait suite aux recommandations de la deuxième conférence Castasia II (Manille, 1982). Il importe que l'Algérie développe des politiques de S et T efficaces et minutieusement définies et parvient à un niveau élevé de compétence dans la gestion de ces ressources S et T comme la clé de développement, elle se doit de développer en priorité la capacité de prise de décisions sages concernant la S et T et de renforcer cette capacité par des sources appropriées d'informations, d'intégrer la prise de décisions sur S et T aux politiques économiques et sociales et de veiller à ce que la politique soit judicieusement mise en œuvre. Il faut se rendre à l'évidence que c'est l'absence ou la très faible intégration de la S et T dans nos plans de développement qui explique en grande partie l'origine de la stérilité de la situation de l'économie algérienne qui demeure aux prises de graves difficultés : la situation globale n'est que stagnation. Les conséquences en sont les multiples inadéquations dans la gestion du développement, qui se traduisent en dégradation et désorganisation du tissu relationnel propre à la société et à ses échanges externes : le désordre social. Heureusement, certains experts et hommes politiques algériens prennent de plus en plus conscience de la nécessité d'élaborer des stratégies ou plans de développement avec une vision à long terme et comme on dit, il faut un plan de vol pour pouvoir voler. Celui-ci permettrait de mettre fin à la dispersion et au gaspillage des ressources et qui relève des constatations évidentes, dont la responsabilité incombe au premier chef au gouvernement et à sa clairvoyance quant aux mesures qu'il conviendrait à prendre pour aider le pays à mettre un terme à cet état de fait. Ce serait au grand bénéfice moral et matériel de la communauté scientifique en particulier et du peuple algérien en général de mettre fin à cette dispersion et à ce gaspillage. En attirant l'attention sur ce point capital, nous faisons simplement notre devoir de citoyen de ce pays dans l'espoir que les informations, les réflexions et les idées contenues dans nos articles soient un message aussi clair que possible et qu'il franchira le seuil de la conscience et allant dans le sens et le souhait de la première instance du pays. Ceci nous aidera peut-être à mieux comprendre le blocage technologique actuel et à ouvrir sereinement le débat sur les nouvelles approches à adopter pour de meilleures perspectives d'intégration de la S et T dans la nouvelle dynamique de croissance du pays. Nous croyons qu'il n'est pas arbitraire de tirer cette conclusion du discours lourd de sens prononcé à Tlemcen à l'occasion du 50e anniversaire de la création de l'Union générale des étudiants musulmans algériens (Ugema) du président de la République à propos de la réconciliation nationale en citant ce passage édifiant « il appartient aux millions d'intellectuels formés depuis quatre décennies d'engager un mouvement de réflexion, de création et d'action pour répondre aux attentes de leur société » ; assurant que « l'Algérie rebondira et étonnera à nouveau le monde » et son accent vibrant de sincérité lui confère, en effet, une logique de dépassement, de passage d'un stade d'apathie, de léthargie, de stagnation et de régression vers un stade de vitalité, de progrès et de prospérité à un tourmant décisif de notre politique de développement. Quant au gaspillage, il y a lieu de rappeler, que sur instruction du président de la République, le ministre des Finances avait installé un comité de lutte contre la mauvaise gestion et le gaspillage des deniers publics lors de la présentation de la loi de finances complémentaire 2005. Abordant le thème de développement global dans les différents discours prononcés dans le cadre de la campagne portant sur la charte pour la paix et la réconciliation nationale, il y a lieu de préciser de quoi on parle : s'agit-il du développement exogène ou du développement endogène ? Est-ce celui qui consiste à investir directement dans la production (transfert horizontal international de technologie) et continuer à profiter des recherches faites ailleurs au risque de marginaliser encore la communauté scientifique, ou bien celle qui consiste à investir dans la création des conditions favorables à un développement endogène et au concentré (transfert vertical de technologie). Pour créer ces conditions, il apparaît donc qu'une tâche prioritaire est d'assurer une véritable dynamique de progrès scientifique et technologique, d'une part à travers le renforcement des moyens de la R et D et leur orientation vers la réalisation des objectifs nationaux à travers des programmes nationaux de R et D, et d'autre part au travers d'un flux permanent d'informations entre les scientifiques et les autres composantes de la société, afin que les premiers soient constamment au fait des problèmes qui attendent des solutions et les seconds des résultats exploitables des recherches. La priorité de cette tâche met en évidence, tout à la fois, l'importance et la responsabilité de l'organe national de formulation, de décision, de mise en œuvre et de contrôle de la politique scientifique et technologique du pays. Le développement d'une société et sa capacité d'innovation dépendent du nombre et de la qualité des ressources humaines, dont elle dispose. Les niveaux supérieurs de qualification sont évidemment les premiers concernés, puisque directement responsables des tâches de recherche et d'organisation qui sont les facteurs de base de l'innovation. Mais le développement d'une société impose aussi des exigences d'encadrement technique à tous les échelons. On a plusieurs raisons de croire qu'il existe une relation étroite entre le niveau général d'éducation d'une population et son aptitude à innover. L'Algérie était dépourvue depuis longtemps d'une politique scientifique et technologique, le gouvernement s'est efforcé de combler ce retard en promulguant la loi n° 98-11 portant loi d'orientation et de programme à projection quinquennal sur la recherche scientifique et le développement technologique qui constitue l'instrument de sa politique scientifique et technologique. L'examen déjà fait de cette loi(3) révèle l'absence ou la très faible intégration de la S et T dans nos plans de développement, on ne trouve pas dans nos plans d'une part la traduction claire et précise des objectifs socio-économiques en objectifs scientifiques et technologiques et d'autre part le chronodiagramme et la définition précise de programmes de recherche visant à atteindre ces derniers, accompagnée d'une indication de ressources budgétaires nécessaires à cette fin. Et nous ne croyons pas que les amendements à apporter à cette loi demandé par le ministre produiraient les résultats escomptés. Tous ces efforts ne constituent cependant que des mesures d'urgence, appoint sans doute précieux au niveau sectoriel, mais seulement une variante, à peine mise à jour, de la précédente loi qui précipitera le système de la recherche dans un état de stagnation et de régression du fait d'absence d'idées claires indispensables pour des réalisations concrètes. A trop vouloir entreprendre, on risque de sombrer dans l'excès utopique et de perdre toute crédibilité dans la communauté scientifique. Il y a lieu d'évoquer cette attitude de nos politiques, dont l'élément crucial est toujours le pourcentage X du PNB qu'il faut s'efforcer de consacrer à la R et D pour imiter les pays avancés. (A Suivre) Références : 1) Manuel de budgétisation nationale des activités scientifiques et technologiques Etudes et documents de politiques scientifiques-Unesco, n°48 (Paris 1981). 2) Résolution AHG/REs.12 (XXI) adoptée par la 21e session de la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA, Addis Abéba, juillet 1985. 3) Politique de recherche véritable. Le quotidien L'Expression, 19 juin 2005.