Brûlé au troisième degré, un employé du terminal pétrolier de Skikda a succombé à ses blessures au centre hospitalier de Skikda, son compagnon a été transféré dans l'après-midi vers le CHU de Annaba. Son état est jugé très critique. Les deux hommes se trouvaient hier à bord de leur véhicule de service, une Toyota, à accomplir une tournée de routine. A 9h50, les deux hommes étaient à quelques mètres seulement du bac de stockage n°106 dont la capacité de stockage est de 51 200 m3. Hier, le bac était en remplissage et contenait quand même 35 000 m3 de pétrole brut en provenance de Haoud El Hamra. Puis, comme le rapportent des témoins oculaires, le flash d'une flamme qui semblait provenir de nulle part prendra naissance pour relier le véhicule et ses deux passagers au bac de stockage. « Tout cela s'est passé en une fraction de seconde », raconte un employé du terminal qui a vu la scène. Simultanément à ces faits, une déflagration sourde s'est propagée aux alentours et le feu a alors pris au bac pour dégager une fumée noirâtre de plus de 200 m de hauteur. Trois autres personnes se trouvaient également aux alentours du bac au moment de l'explosion. Deux employés de l'Entreprise de gestion de la zone pétrochimique de Skikda (EGZIK), qui s'adonnaient à des opérations de désherbage, ainsi qu'un autre agent d'une entreprise de sous-traitance ont également été blessés. Ce dernier a été gravement atteint à un œil alors que les deux autres ne présentent que de légères blessures. Rencontré au centre hospitalier de Skikda, l'un des deux derniers blessés raconte : « Nous étions en train de désherber les clôtures du complexe quand nous fûmes surpris par une déflagration. Je sais seulement que j'ai senti un souffle chaud qui m'a projeté je ne me souviens plus du reste, mais je peux vous certifier que nous avions tous senti une forte odeur de gaz en nous rapprochant des lieux. C'était une sorte de mélange de gaz et de pétrole. » On retrouve ce témoignage avec beaucoup plus de peur chez les habitants d'El Guelta, un hameau situé à moins de 500 m du bac incendié. « De toute façon, nous vivons perpétuellement avec la peur depuis la catastrophe du GNL (19 janvier 2004 ndlr) », raconte un père de famille entouré de plusieurs autres personnes. « Nous avons été surpris par la déflagration et notre premier réflexe était de nous enfuir », les autres citoyens rapportent dans le détail des scènes de panique. « Tout le monde courait sans savoir où aller ni ce qui vient de produire. On courait pour fuir. Les femmes, les enfants, les vieux, tout le monde a laissé sa demeure en une fraction de seconde et courait dans de grandes bousculades. Ce n'est que quelques minutes après qu'on s'est arrêtés pour regagner de nouveau nos maisons et pour découvrir par la suite le bac du terminal en feu... » Les mêmes scènes de peur et de panique se sont produites au lotissement 33 Logements, situé lui à un kilomètre des lieux du sinistre. Au centre-ville, par contre, la déflagration n'a pas été entendue. Seules les épaisses fumées qui se dégageaient au ciel laissaient comprendre qu'un incident venait de se produire dans la zone pétrochimique. Des sources proches de la plateforme pétrochimique rapportent que le Plan d'intervention mutuel (PAM) a été enclenché dès les premières minutes qui ont suivi l'explosion. Les Forces d'intervention de réserve (FIR) qui dépendent de l'EGZIK ont été renforcées par les éléments de la Protection civile pour venir à bout des flammes. A 11h déjà, le feu semblait être circonscrit et les flammes perdaient de leur ampleur. Mais contre toute attente, le sinistre a redoublé d'intensité dans l'après-midi pour laisser échapper d'immense flammes et une fumée de plus de 200 m de hauteur. A 18h, les agents des FIR et les éléments de la Protection civile étaient toujours sur les lieux. L'opération consistait cependant à refroidir les autres bacs limitrophes au premier dans des conditions très difficiles, voire dans une fournaise, car la grande chaleur dégagée hier soir par les flammes était perceptible à plus de 500 m des lieux. L'opération de refroidissement des autres bacs constituait la première priorité afin d'éviter toute éventualité d'enchaînement dont les conséquences seraient catastrophiques. Car selon un cadre du terminal, il y avait hier plusieurs bacs pleins. Il ajoutera que parallèlement aux opérations de refroidissement, le terminal avait pris la décision de transvaser les quantités du brut contenues dans les bacs limitrophes dans des bacs plus éloignés afin d'éviter toute surprise. « De toute façon, la seule solution est de laisser le pétrole brut contenu dans la bac se consumer en prenant bien sûr des précautions draconiennes afin d'éviter la propagation des flammes », raconte notre source. Une opération qui risque selon ses dires de durer dans le temps. Quant aux circonstances de ce drame, un communiqué laconique de Sonatrach rendu public dans l'après-midi d'hier, tout en reconnaissant le décès d'une personne et la blessure de trois autres, rapporte : « Les circonstances de l'incendie seront déterminées par la commission technique d'enquête dépêchée par Sonatrach. » Localement, beaucoup de rumeurs ont circulé hier à propos des causes éventuelles de l'incident. Certains affirment que les travaux de soudure seraient la cause, d'autres évoquent une fuite massive de gaz et certains ont même laissé entendre qu'il s'agirait d'une étincelle due aux travaux d'électricité. Une source très proche du terminal a, par ailleurs, démenti « l'existence de tout chantier aux alentours du bac 106 » et a évoqué une éventualité technique. Selon cette source, la cause la plus plausible à l'heure actuelle serait en relation avec un phénomène propre à tous les bacs de stockage. « Lors des opérations de remplissage ou même après leur achèvement, il arrive souvent, plutôt régulièrement, qu'une concentration des évaporations des gaz du pétrole brut. C'est un phénomène bien connu. Je pense que la densité des gaz du bac n°106 était importante. Ces gaz en s'échappant des reniflards conçus spécialement pour purger les bacs ont été malheureusement en contact avec un élément déclencheur de l'étincelle qui a aussitôt emmené au sinistre. » Notre source a laissé comprendre que l'élément déclencheur serait le véhicule qui se trouvait à quelques mètres seulement des lieux. En attendant les conclusions, des informations de dernière minute rapportent avec insistance que le drame aurait pu être plus grave encore en affirmant que le système automatique du réseau de feu conçu pour les bacs n'aurait pas fonctionné convenablement. « Il a fallu attendre les secours alors que le bon fonctionnement du système incendie aurait certainement circonscrit les flammes à leur naissance », témoigne un agent de sécurité. D'autres personnes laissent, par ailleurs, entendre que l'origine du sinistre ne serait nullement technique, mais plutôt criminelle en faisant référence à l'éventualité d'un acte terroriste. Elles consolident leur thèse par les dernières rumeurs qui avaient circulé au niveau de la plateforme pétrochimique de Skikda rapportant qu'une alerte à la bombe aurait été donnée dernièrement. Elle aurait été suivie d'un branle-bas de combat. Mais devant l'absence totale de communication affichée par l'ensemble de la plateforme pétrochimique, cela demeure dans la case des rumeurs.