Place des Martyrs, Alger. Sahat chou'. Coincée entre Ketchaoua et Djamaâ Jdid, halte ouverte avant d'escalader La Casbah ou continuer vers Bab El Oued ou revenir vers le Square Port-Saïd. Place des Martyrs, octobre 1988 à octobre 2005, qu'est-ce qui a changé ? Une caméra de surveillance de la police juchée sur un kiosque fixant indécemment Ketchaoua et les pieds « grouilleux » de la Citadelle. Autour du kiosque de musique qui servait de tribune à Ali Benhadj en 1991, des sans-abri dorment à même le sol. L'un d'eux regarde la une d'un journal « Qui se souvient du 5 octobre 1988 ? ». Hakim Addad, SG du Rassemblement Action Jeunesse, continue avec ses militants de commémorer « la journée officielle de la démocratie », chaque 5 octobre depuis 1993. Une banderole, une gerbe de fleurs. Un policier en civil qui demande aux animateurs de faire vite. Fatma Yous de SOS Disparus est là. L'ex-députée FFS Dalila Taleb. Nacer de SOS Culture Bab El Oued. Yacine Teguia du MDS qui rappelle que le regretté Hachemi Cherif était né un 5 octobre. Des curieux qui descendent des marchés du ventre de la Basse Casbah. Des jeunes qui traînent leur après-midi et des interrogations. « C'est qui ? » « C'est des gens d'octobre... », répond un homme, couffin à la main. « Bouteflika dit que les jeunes sont sortis pour leur estomac. Nous on dit que les jeunes sont sortis pour la justice et la liberté », lance Addad. « La guerre de Libération n'avait pas seulement des aspirations politiques. Le statut socioéconomique des Algériens a changé après juillet 1962 », souligne Teguia du MDS. « Amara Benyounes de l'UDR a déclaré que le 5 octobre était une date comme une autre. Honte à lui ! S'il n'y avait pas la révolte du 5 octobre, il n'aurait jamais exercé en tant que député ou chef de parti », a lâché Addad de RAJ. De moins en moins de monde assiste au rassemblement, souligne Addad. « L'important est que des gens, même peu nombreux, se souviennent », dit-il. Minute de silence. Fatiha du Coran pour les 500 morts d'octobre 1988. « La société continue à se battre avec les moyens qu'elle a », estime Yacine Teguia du MDS évoquant le « boycott massif du dernier scrutin », allusion au référendum du 29 septembre dernier. « Chaque jour est un petit 5 octobre », dit-il. Teguia avance que Bouteflika ne « conçoit, peut-être, la démocratie que si elle s'exprime de manière élaborée ». « Elle peut s'exprimer de manière spontanée comme en octobre 1988, et c'est aux syndicats, partis et associations de polariser les revendications », ajoute Teguia qui ajoute : « La question d'en finir avec le régime posée en 1988 demeure d'actualité. » Le PAGS, Parti de l'avant-garde socialiste, grand-père du MDS, avait, rappelle Teguia, subi une violente répression en 1988 par la police politique d'alors. « Ce qui a notamment favorisé l'émergence du mouvement islamiste », estime le cadre du MDS. A l'autre bout d'Alger, un autre rassemblement en ce 5 octobre, celui des familles de disparus devant le siège de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH, officielle), place Addis-Abeba, comme chaque mercredi. « On nous a laissés nous rassembler tranquillement », rapporte une épouse de disparu. Rendez-vous est donné dimanche prochain pour certaines familles pour entrer en contact avec le ministère de la Solidarité. « La situation sociale de certaines familles qui ont perdu leur soutien depuis des années est alarmante », souligne l'épouse du journaliste disparu Djamil Fahassi. « Mais pas question que ces aides promises par la Solidarité nous empêchent d'exiger la vérité », précise-t-elle.