Cette cérémonie de recueillement à la mémoire des Martyrs d'Octobre, si elle n'a pas drainé les masses, elle n'en est pas moins importante par sa portée symbolique, surtout par ces temps d'unanimisme ronronnant. 13h25. Hakim Addad, le secrétaire général de RAJ, aidé par un militant de la même association, s'avance vers le kiosque central trônant à la Place des Martyrs une gerbe de fleurs à la main. Une banderole est accrochée entre deux colonnes du kiosque avec ce slogan : “5 Octobre, journée officielle pour la démocratie en Algérie”. Il n'y a pas foule autour de Hakim Addad. Pour autant, la commémoration ne perd rien de sa teneur symbolique. Nous sommes à quelques mètres de l'endroit où était tombé Sid-Ali Benmechiche, le matin du 5 octobre. Il était journaliste à l'APS. Comme Sid-Ali, des dizaines de jeunes étaient tombés ici sous les tirs anarchiques des forces antiémeutes se souvient Sahat Echouhada. Voilà qui devrait donner sa pleine justification à cette cérémonie qui drainera tout de même quelques “militants résiduels”, quelques irréductibles de la cause démocratique en ces temps difficiles d'unanimisme ronronnant. Parmi les présents, Mme Fatima Yous, présidente de SOS Disparus, et M. Yacine Teguia, responsable de la communication au MDS. On notera aussi la présence d'un groupe d'étudiants venus de Béjaïa, d'artistes, de journalistes bien sûr et des badauds. Jusqu'à l'arrivée de la procession, le kiosque était squatté par les clodos. Alentour, les gens s'affairent pour les emplettes du Ramadhan sous le regard des murs vétustes de la somptueuse mosquée Ketchaoua et ceux du Jamaâ El-Kebir ou encore de l'œil torve d'une caméra de la police. Les RG rôdaient mais sans faire de vagues, se contentant de prier Hakim d'écourter la cérémonie. “Ce rassemblement se veut une pensée pour rappeler qu'il y a eu des gens qui sont morts pour la liberté et la justice sociale dans ce pays. Il faut poursuivre leur combat, d'autant plus que la mémoire du peuple algérien va être enterrée après le 29 et avec elle le sacrifice des martyrs de la démocratie”. Hakim Addad fustige au passage Amara Benyounès qui aurait déclaré que “le 5 Octobre est une journée comme une autre”. Son allocution terminée, une minute de silence a été observée et la Fatiha récitée à la mémoire des martyrs d'Octobre. En marge de ce rassemblement, Mme Fatima Yous déclarera à Liberté : “C'est difficile de pardonner. On ne peut pas pardonner à ceux qui ont enlevé nos enfants. Nous voulons retrouver ceux de nos enfants qui sont encore en vie et il y en a. Nous exigeons que le régime relâche ceux qui sont vivants. Je continuerai à me battre après cette charte et qu'ils me ramassent s'ils veulent me ramasser !” Pour sa part, Yacine Teguia du MDS a tenu à signaler qu'El-Hachemi Cherif, l'ex-secrétaire général du MDS qui vient de nous quitter, est né un 5 octobre. Le représentant du MDS tient à rappeler, par ailleurs, la violente répression qui s'est abattue sur le PAGS, alors dans la clandestinité, en octobre 88. “Les militants et les cadres du PAGS avaient commencé à être embarqués et torturés dès le 3 octobre”, précise-t-il. Et de poursuivre : “Malgré tout cet unanimisme fabriqué, la société continue à se battre. Nous assistons tous les jours à des 5 octobre. Le boycott massif du dernier référendum est très significatif. Les germes du 5 octobre sont là, il y a des aspirations démocratiques qui sont exprimées, même si souvent d'une façon spontanée. C'est aux forces démocratiques de leur donner une forme plus élaborée. Aucune société n'a réalisé une révolution toute seule. Il faut une jonction des élites”. Justement, face au rouleau compresseur en marche, n'y a-t-il pas urgence à tisser des liens organiques entre les états-majors des partis de la mouvance démocratique ? “On peut déjà passer des alliances autour de questions immédiates comme cela s'est fait récemment. Pour le reste, cela dépend des stratégies respectives de chaque formation”, estime Yacine Teguia. Mustapha Benfodil