Le public de la salle Ibn Zeydoun a connu, mercredi soir, un grand moment d'émotion. Une soirée particulière a été organisée pour rendre un vibrant hommage au musicien du groupe de jazz Sinoudj, Aziz Djemmam, décédé le 23 juillet dernier. Pour cet événement, la délégation de Wallonie voulait réunir les deux membres du groupe de Aziz et deux autres de la formation belge l'Ame des poètes qui s'étaient produits en mai dernier, pendant le Festival européen. D'un côté, Jean-Louis Rassinfosse à la contrebasse et Fabien Degryse à la guitare acoustique et de l'autre Kheiredine Dekhal à la guitare. Le bassiste, Amar Zahi, n'ayant pu être présent, Sinoudj n'est représenté que par un seul de ses membres. Malgré ce désagrément, ce fut un grand moment d'émotion, mais aussi d'amitié et de jazz, à la mémoire de Aziz. Le public, en grande partie composé de ses amis et de ceux qui l'ont connu, a été ravi de cette démonstration chargée de fraternité. Pour commencer, un solo de guitare acoustique, Alger, qui traduit toute l'émotion contenue dans la salle. Puis le trio démarre avec d'autres compositions de jazz connues. Le jeu est solennel au début, mais très vite la fièvre s'empare des musiciens. Cette même fièvre qui animait Aziz : celle de la musique, du jazz en particulier. Entre un morceau du saxophoniste américain, Solly Rollins et un autre de Sinoudj, Jean-Louis Rassinfosse prend la parole pour souligner le vide laissé par le défunt batteur. Et son ami Kheiredine Dekhal remercie le public d'être là pour ce moment tragique. « Lui il est parti, mais nous on est là et on fera tout pour que ça continue, quelques soient les conditions », dit-il avec émotion. La musique se poursuit, en trio, parfois en duo, avec différentes compositions : Les feuilles mortes , un classique de Prevet Cossmann, All the blues de Miles Davis, Caravane de Duke Ellingtone... Le ton se veut tantôt calme et tendre, tantôt fougueux et éloquent. Un peu comme le caractère de Aziz, pourraient dire ceux qui l'ont connu. Pour Jean-Louis Rossinfosse : « Cette soirée a été un moment très magique. Après tout, on était dans cette salle il y a quelques temps, alors qu'on participait à la même soirée, dans le cadre d'une tournée », nous confie-t-il après le concert. « Cette salle est chargée d'une émotion difficile à soutenir, j'ai encore plein d'images de ce qui s'est passé dedans », ajoute-t-il. Le décès ? « C'était une nouvelle tragique et surprenante, parce qu'on l'avait vu quelques semaines auparavant, c'était un grand choc pour nous », nous avoue le contrebassiste. Fabien Degryse est tout aussi émotif. Et si Aziz était là, maintenant... « Si Aziz était là ? Eh bien, on aimerait bien qu'il soit là », nous répond-il avant d'ajouter : « On s'était donné rendez-vous pour la fin septembre, début octobre. On pensait qu'il serait là, qu'il se joindrait à nous sur scène... et puis, on a eu cette terrible nouvelle qui a fait s'effondrer ces plans, ces rêves ». Quant à l'hommage, « on a tenu à venir parce que cela nous donnait l'occasion de rencontrer ses amis et à lui rendre hommage ». Et de conclure : « Mais on aimerait beaucoup qu'il soit là. » Pour résumer Aziz, le guitariste raconte qu' « il était extrêmement chaleureux et d'un enthousiasme communicatif. Il avait cette volonté de rencontrer les gens, de rencontrer les styles de musiques, de les essayer, de se lancer à fond dans les projets qu'il faisait ». Quant à son ami Kheiredine Dekhal, l'émotion est encore plus forte. Après avoir partagé tant d'espoir et de projets avec lui, son décès est un véritable coup dur. Y compris pour Sinoudj. « C'est difficile d'avancer comme ça sans lui, Aziz était le moteur du groupe. » Et l'avenir de Sinoudj ? « On a passé ces derniers mois à réfléchir, et on a décidé de chercher un batteur. Ce sera difficile, parce qu'il avait une façon particulière de jouer, ce ne sera pas évident surtout au niveau des polirythmiques, mais on n'a pas le choix, on doit avancer », nous répond le guitariste de Sinoudj. Tout le monde se sépare sur une note d'optimisme : le festival Dimadjazz sera maintenu et tous les projets de Aziz soutenus par ses proches amis... « Vive la musique ! », avait-il dit quelques instants avant de s'éteindre...