Comment avez-vous connu Aziz ? La première fois que je l'ai rencontré, c'était en Tunisie en 2002. J'étais de passage et avec ma collègue, la déléguée Wallone à Tunis, nous venions d'inaugurer les locaux de la délégation. Il y avait tout un groupe de musiciens tunisiens et algériens qui étaient au courant de ma prochaine nomination en Algérie et qui ont sollicité mon aide pour la création d'écoles de jazz. La particularité de Aziz c'est que c'était quelqu'un de communicatif et de persuasif. Nous sentions que la passion qui l'animait et la qualité de ses relations avec les gens faisaient que nous avions confiance en ses projets. Nous sommes restés en contact, et il a continué à organiser des choses à l'Institut de musique méditerranéenne en Tunisie. Lorsque ma nomination à Alger a été confirmée, Aziz a été l'un des premiers à venir me voir en janvier dernier, pour organiser quelque chose lors du Festival de Constantine. J'avais un problème parce que j'avais prévu un groupe belge pour le Festival européen, j'ai dis nous allons mettre tout le monde ensemble et nous allons essayer de nous mettre d'accord. Puisque tout est possible avec les jazzmen. C'est de là que tout a démarré. Et chaque fois que nous parlions de Aziz en Algérie ou en Belgique, nous nous rendions compte que c'est le même courant qui passait. Ensuite ? Lorsque nous avons réussi les magnifiques opérations du Festival européen, nous nous sommes dit que nous allions continuer. Ça devait être le 17 juillet, Aziz est repassé par Alger et nous avons discuté pour déterminer comment organiser les stages de jazz en Belgique. Nous avions déjà prévu que Ammar Zahi puisse en faire un durant ce mois là. Et il fallait pérenniser cette action, qu'il y ait au moins deux musiciens chaque année qui puissent faire des stages. Nous avions aussi relancé l'idée d'enregistrer un CD ensemble, avec l'Ame des poètes . Et puis il y a eu son décès... Le 22 juillet, j'ai pris le bateau tout à fait confiant et prêt à aller raconter en Belgique les projets que nous avions construis. Arrivé là-bas, il y avait des messages électroniques qui m'attendaient. Le 23 juillet, alors que j'étais en plein mer, Aziz s'était éteint. Il était rentré à l'hôpital le lendemain de notre entretien, il n'en est pas sorti. Ça nous a fait un désarrois terrible, pas seulement à moi, mais à tous les amis des groupes de jazz en Belgique, des animateurs de jazz, des associations de jazz... Nous nous sommes tous dit que nous devions continuer ; que les relations et l'amitié avec Aziz continuent à porter des fruits et que nous serions à côté de ceux qui vont reprendre le flambeau. Je pense que ça s'annonce bien, nous sommes déjà heureux que Sinoudj va se produire en ouverture du prochain Festival de jazz de Constantine. Et à partir de l'année prochaine, en accord avec le ministère de la Culture belge, chaque été, parmi les bourses que nous allons offrir à des musiciens, deux seront prélevées pour des jazzmen algériens et nous les appelleront bourses Aziz Djemmam. Je pense que c'est une belle manière de continuer la mémoire et surtout de faire vivre l'amitié dans la musique avec Aziz. Comment avez-vous eu l'idée d'organiser cet hommage et de cette manière en particulier ? C'est un peu un hasard. J'avais prévu depuis longtemps d'organiser un hommage à Jaques Brel pour le 3 octobre, et j'avais réinvité le groupe L'Ame des poètes, parce qu'en 2003, ils ont réalisé un magnifique CD consacré à cet artiste (L'Âme des poètes joue Brel). Je leur ai demandé s'ils acceptaient de rassembler une partie de Sinoudj, d'offrir bénévolement un concert, de faire quelque chose de nouveau ensemble pour faire revivre cette amitié entre deux groupes. Ils n'ont pas eu la moindre hésitation. Nous avons eu un coup du sort, Larbi Sassi n'a pas pu quitter Tunis, et Amar Zahi, qui est également infirmier, n'a pas pu nous rejoindre à cause de l'accident de Skikda de mardi. Kheiredine Dekhal était le seul à venir et à représenter le groupe. Mais je pense que nous avons retrouvé la même magie que nous avions connu au mois de mai. Ce type de lien musical, le langage universel du jazz, permettra de construire d'autres choses à l'avenir, c'est en tout cas ce que je souhaite. Que diriez-vous à Aziz s'il réapparaissait pour un instant ? Je pense que Aziz ne nous a jamais quittés. Pour tous ceux qui soutiennent les idées du festival de Constantine et qui vont faire en sorte que le groupe Sinoudj continue ; pour tous ceux qui croient qu'il y a de la place en Algérie pour différentes formes d'expressions musicales et que le jazz en est une parmi toutes les autres, je pense que pour tous ceux-là, Aziz est toujours vivant et que le travail qu'il a fait nous allons le continuer ensemble et surtout vous, ses amis algériens.