L'affaire Hydro-Elektra a eu de lourdes répercussions sur le fonctionnement de la Société des travaux maritimes de l'Ouest (Sotramo), dont les comptes ont été bloqués par M. Abdelmoula sur décision de la cour d'Oran. Aujourd'hui, M. Abdelmoula devra s'expliquer dans un procès en appel à la cour d'Alger, et en présence des responsables croates, comment il a pu accaparer les biens de cette société en faisant croire que celle-ci appartenait à Hydro-Elektra. Tout le monde sait qu'Ingra n'a aucun lien juridique ou administratif avec Hydro-Elektra, dont l'équipement importé sous le régime de l'admission temporaire, dans le cadre de la réalisation de plusieurs projets (brise-lames au port d'Arzew), a été accaparé. Après le départ d'Ingra et l'arrêt de ses chantiers, Sotramo a été chargée par les pouvoirs publics de la poursuite des chantiers d'Ingra. Un contrat de vente de matériel en état de fonctionnement a été signé entre les deux parties et porte sur un montant de 59 692 340 DA, auquel il est ajouté la prise en charge de la dette d'Ingra par Sotramo, après sa notification par les créanciers. A la faveur de ce contrat, Sotramo a obtenu l'autorisation des services des Douanes pour acquérir le matériel et l'équipement admis temporairement par la société croate. A cette époque, M. Abdelmoula menait une bataille judiciaire pour mettre la main sur la ferraille et le parc d'une autre société yougoslave, Hydro-Elektra, en charge de la réalisation de barrages et d'extension et d'aménagement d'autoroutes. Celle-ci a importé, sous le régime d'admission temporaire, d'importants moyens roulants stockés à proximité du parc du projet Spik, à Alger. Le matériel en état de marche avait été affecté au chantier Spik, mais également à celui de la réalisation des déviations de la route de La Chiffa et du barrage Bouroumi. Après utilisation, le matériel en panne, transformé en ferraille, a pris de l'ampleur. M. Abdelmoula et ses deux associés ont conclu avec Hydro-Elektra un contrat d'achat d'un lot de 10 000 tonnes de matériel en état de ferraille, suivi du versement d'une avance de 6 millions de dinars. Etant donné qu'il s'agissait d'un matériel sous douane, sa mise à la consommation était soumise à des conditions précises, notamment le registre du commerce, l'âge du matériel et le règlement des droits et taxes douaniers. Ces conditions n'étaient pas réunies, et Hydro-Elektra s'est rendu compte que légalement le contrat ne pouvait se concrétiser. La société croate a proposé un arrangement à l'amiable, moyennant le remboursement de l'avance versée. M. Abdelmoula a refusé et a commencé alors à intenter des procès en référé pour obtenir des saisies conservatoires auprès des tribunaux d'El Harrach, Relizane, Mostaganem, Boufarik et Arzew du matériel de Hydro-Elektra, et ce, dans le but de contourner les procédures réglementaires. A Sidi M'hamed, il avait déposé une plainte contre Hydro-Elektra, mais en ajoutant Ingra pour « non-exécution du contrat », laissant croire qu'Ingra était la même société. Une confusion qui ne passe pas inaperçue, puisque le tribunal a ordonné la mainlevée sur certaines saisies, y compris celle du matériel d'Ingra à Arzew, la résiliation du contrat conclu entre Hydro-Elektra et M. Abdelmoula et le remboursement à ce dernier de l'avance ainsi que le paiement de 1 million de dinars au titre de dommages et intérêts. Suite à ce jugement, M. Abdelmoula a fait appel auprès de la cour d'Alger et, parallèlement à cette action, il a déposé plainte contre le directeur général de Sotramo et les responsables d'Hydro-Elektra pour « avoir cédé à titre onéreux à Sotramo du matériel appartenant à Ingra ». Contre toute attente, la cour d'Alger infirme le jugement de Sidi M'hamed, valide le contrat de vente, les saisies conservatoires et confirme (!!!) qu'Ingra et Hydro-Elektra ne faisaient qu'un et enfin condamne Hydro-Elektra au paiement d'une amende de 50 millions de dinars à titre de dommages et intérêts. Fort de cet arrêt et profitant de l'absence des responsables croates (rentrés dans leur pays après l'assassinat de 12 Croates à Médéa), M. Abdelmoula a entamé l'opération de vente du matériel, y compris celui en bon état, donc non concerné par le contrat de vente et estimé à des centaines de millions de dinars, et ce, en violation de la législation douanière relative au matériel importé en admission temporaire. Les services des Douanes ont réagi et constaté la disparition d'un important lot de matériel estimé à 246 millions de dinars. Après plainte des Douanes, M. Abdelmoula a été condamné à une peine de 6 mois de prison avec sursis et à une amende de 738 millions de dinars. Mais celui-ci ne s'arrête pas là, puisqu'il a accaparé un important lot d'équipements ayant fait l'objet de cession au profit du Trésor public dans le cadre d'un règlement administratif. Face à cette opération d'appropriation illicite, le ministère de l'Equipement et de l'Aménagement du territoire a saisi le chef du gouvernement par écrit pour lui faire part de cette situation. Une plainte pour vol de deniers publics a été déposée par l'Agence nationale de l'eau potable (Agep) qui s'est constituée partie civile. M. Abdelmoula est alors condamné à 2 ans de prison ferme et au paiement de 6,7 millions de dinars de dommages et intérêts. Une décision confirmée en 2001 par la Cour suprême. Entre-temps, M. Abdelmoula a obtenu la condamnation du représentant de l'Agep à 6 mois de prison avec sursis et au paiement d'une amende de 50 millions de dinars au titre de dommages et intérêts. Ce cadre supérieur s'était farouchement opposé, par des voies légales, à l'accaparement des biens de l'Agep par M. Abdelmoula. Saisi, le ministère de la Justice a ouvert une enquête qui s'est terminée par une instruction adressée à tous les parquets les sommant de surseoir à l'exécution des décisions de justice sur cette affaire. Malgré cela, M. Abdelmoula a poursuivi l'opération de vente du matériel, mais également sa bataille judiciaire contre Sotramo, Hydro-Elektra et Ingra. Celle-ci, après pourvoi auprès de la Cour suprême, a réussi à casser l'arrêt de la cour d'Alger et devra de nouveau repasser aujourd'hui devant cette même juridiction. Le 18 août dernier, M. Boualem Bouzidi, secrétaire national chargé du contentieux, a saisi le chef du gouvernement par écrit en attirant son attention sur « les incohérences » de la justice qui ont « aidé » M. Abdelmoula à accaparer des deniers publics et à bloquer une société étatique employant des centaines de travailleurs. Le procès en appel opposant M. Abdelmoula au représentant de l'Agep, M. Brahim Nessala, est programmé mercredi prochain à la cour d'Alger.