Président-directeur général de la Banque de développement local (BDL), Ammar Daoudi a été élu récemment président du conseil de l'Association professionnelle des banques et établissements financiers (ABEF). A travers cet entretien, il nous livre ses analyses sur les mesures de recapitalisation et les baisses des taux d'intérêts bancaires, décidées récemment en vue d'améliorer l'apport des banques dans le financement de l'économie nationale. Une opération de recapitalisation des banques publique a été décidée récemment par l'Etat, qui est l'actionnaire unique des ces banques. Quelle est la portée d'une telle mesure ? En fait, il ne s'agit pas de recapitalisation. Il ne faut pas confondre entre recapitalisation et augmentation des fonds propres d'une entreprise ou d'une banque. La recapitalisation intervient lorsque le capital d'une entreprise ou d'une banque est altéré par les pertes. Dans la situation actuelle des banques publiques, il s'agit en l'occurrence d'une opération d'augmentation de fonds propres décidée par l'actionnaire à l'effet de renforcer leurs capacités de financement et de dynamiser le crédit. Les banques publiques commençaient à atteindre des niveaux de ratios prudentiels, à savoir les coefficients de solvabilité et de risque, où elles ne pouvaient pas aller au-delà des limites à respecter. Les fonds propres des banques vont donc être confortés et le niveau de leur augmentation sera déterminé en fonction du poids de chaque banque dans le financement de l'économie. Comment expliquez-vous le fait que l'accès aux crédit reste encore difficile, alors que les banques publiques connaissent actuellement une situation de surliquidités ? Toutes les banques ne sont pas en situation de surliquidités. Je dirais tout simplement qu'il y a des banques qui ont une bonne situation de trésorerie. Et même dans une situation de surliquidités, cela ne veut pas dire que les banques peuvent financer n'importe quel projet. Elles sont tenues de respecter les ratios prudentiels, dont le ratio de solvabilité, à savoir que les fonds propres nets ne doivent pas être inférieurs à 8% de la somme des risques encourus par la banque. Si ce coefficient est atteint, la banque est obligée soit de renforcer ces fonds, soit de réduire ces volumes de crédits. De même, les banques doivent également intégrer l'obligation de respecter le ratio de division des risques, c'est-à-dire que les risques pris sur un bénéficiaire de crédit ne doivent pas dépasser les 25% des fonds propres nets de la banque. Ce sont là en fait des normes de gestion universelles que la Banque centrale n'a fait qu'adopter à travers ses règlements. Que vise la mesure de nomination d'administrateurs professionnels au sein des conseils d'administration des banques ? L'administrateur est beaucoup plus impliqué dans la gestion de la banque. Cela permet une plus grande rigueur de gestion. Les taux d'intérêts bancaires connaissent ces dernières années une tendance baissière graduelle. Comment analysez-vous cette évolution ? Depuis plusieurs années, les taux d'intérêts continuent en effet à suivre un trend baissier. Ainsi, les taux appliqués aux crédits à l'investissement sont passés à des niveaux de 5,5 et 5,25 %, alors qu'ils se situaient à un niveau de 18,5% en 1995. Cette baisse a suivi le recul du taux d'inflation qui atteignait les 30% dans les années 90 et qui se situe actuellement à 3%. Au même titre, la baisse des taux d'intérêt a suivi la baisse du taux de réescompte qui était de 15% en 1995 et qui se situe aujourd'hui à 4%. Les banques tiennent compte du taux de réescompte qui leur sert de taux de référence. Quand ce dernier baisse, les banques peuvent voir dans quelle mesure elles peuvent baisser à leur tour leur taux d'intérêt. Il faut également relever que la baisse des taux d'intérêt débiteurs s'accompagne aussi de la baisse des taux créditeurs. Quel impact a induit le recul du niveau des taux d'intérêts quant à l'apport des banques dans le financement de l'économie ? La baisse des taux d'intérêt a beaucoup favorisé l'amélioration du niveau de financement de l'économie nationale. Durant ces dernières années, les crédits du secteur bancaire à l'économie évoluent, d'année en année, d'environ 20% en moyenne. Pour le cas de la BDL par exemple, le montant des crédits directs (crédits d'exploitation et crédits d'investissements) est passé de 42 milliards DA en 2001 à 72 milliards DA en 2004, en plus de 18 milliards de crédits par signature (cautions, aval...). De même pour le crédits immobiliers, nous somme passé de 340 millions DA en 2001 à 11 milliards DA en 2004 et nous arriverons à quelque 15 milliards DA à fin 2005. Il faut noter à cet égard que pour le cas des crédits immobiliers, le niveau des taux d'intérêt est passé de 11% en 2001 à 6, 25% en 2005. Ces baisses de taux d'intérêt ont-elles contribué de manière significative à stimuler l'investissement ? Il est clair que la baisse des taux d'intérêts est opérée dans le but d'encourager l'investissement. Il faut préciser néanmoins que depuis dix ans, les taux d'intérêt sont déréglementés et de ce fait chaque banque est libre de fixer leurs niveaux en fonction, notamment, de ses coûts et des rendements sur les crédits. Ceci dit, bien que le paysage bancaire ait complètement changé ces dernières années, la banque publique reste l'instrument essentiel du financement de l'économie. Durant les cinq prochaines années, son rôle est appelé à être encore plus important au vu de l'apport qu'elle aura à assurer dans le cadre de la concrétisation du plan de soutien à la croissance économique, auquel l'Etat à décider de consacrer une enveloppe de 55 milliards de dollars. La banque publique sera donc mise davantage à contribution dans le financement de l'économie. Le secteur bancaire public est-il aujourd'hui en mesure de faire face aux risques d'accumulation de créances douteuses et irrécouvrables ? Universellement, il n'y a pas de risque zéro. Toutefois, le taux de déchets en matière de crédits, c'est-à-dire le niveau des créances irrécouvrables, doit être contenu dans une fourchette de 5 à moins de 10 %. La norme idéale est de 5%. Pour les banques publiques algériennes, elles ont surtout eu à faire face au problème des créances non performantes des entreprises publiques, mais ces dernières ne sont pas les seules. Les créances des entreprises publiques ont d'ailleurs été assainies dans une large mesure. Ce qu'il faut dire à ce propos, c'est que, désormais, au niveau des banques, il n'y a plus, aujourd'hui, de distinction entre les entreprises publiques et celles privées. La banque algérienne est une entreprise commerciale au même titre que les autres entreprises économiques. Elle se doit actuellement d'être une banque de liquidité, de rentabilité et de sécurité et ce, en faisant des crédits sains et causés, c'est-à-dire des crédits qui répondent à de réels besoins économiques et qui ne risquent pas d'être détournés vers des utilisations autres que celle pour lesquelles ils ont été allouées à l'origine.