Des découvertes et quelques idées fortes jeudi dernier grâce à Réjane Le Baut, docteur ès lettres, auteure de Jean El-Mouhoub Amrouche, Mythe et réalité dans la collection Auteurs d'hier et d'aujourd'hui aux éditions du Tell. L'assistance eut à découvrir un auteur au statut marginalisé : chrétien de religion, kabyle d'origine. Jean El Mouhoub Amrouche, né en 1906, mourut d'un cancer juste après la proclamation du cessez-le-feu annonçant l'indépendance de son pays. Réjane Le Baut, en 150 pages, a méticuleusement décortiqué le parcours du poète, conférencier, enseignant, militant et... compagnon de Charles de Gaulle, un titre que se partagent aujourd'hui une dizaine de personnes seulement. Le livre fera découvrir que Jean Amrouche avait mené des négociations secrètes avec le FLN. Il était l'ami de Abderrahmane Farès, président de l'exécutif provisoire à Boumerdès, qu'il avait été un grand homme de radio au moment où la télévision n'existait pas, c'est-à-dire que son nom était connu de toutes et de tous ; il a été le premier à présenter Kateb Yacine en 1956, juste après la parution de Nedjma. Il eut à recevoir sur les ondes Camus, Césaire, Mauriac, Fanon, Diop, Claudel, Gide et tant d'autres. Toujours grâce à Le Baut, il sera appris que tous ces entretiens existent aujourd'hui sous forme de publications et de disques compacts. Grand homme inconnu de ses concitoyens, c'est lui qui expliquera à Jules Roy dès l'été 1955 : « En un mot, je ne crois plus à l'Algérie française. Il y aura un peuple algérien parlant arabe, alimentant sa pensée, ses songes, aux sources de l'Islam, où il n'y aura rien. Ceux qui pensent autrement retardent d'une centaine d'années. » Ses prises de position lui valurent l'expulsion de la radio française et c'était la radio suisse qui avait pris le relais. Poète, conférencier, négociateur, épistolier : vie riche de cet exilé qui avait compris plus tôt que « je suis le pont, l'arche qui fait communiquer deux mondes, mais sur lesquels on marche, et que l'on piétine, que l'on foule. Je le resterai jusqu'à la fin des fins. C'est mon destin ». La collection Auteurs d'hier et d'aujourd'hui, dirigée par Afifa Bererhi aux éditions du Tell, a le mérite de faire découvrir un homme à son pays, à ses jeunes lecteurs et permettre ainsi ou susciter des axes de recherche pour le bien de la littérature algérienne de quelque expression qu'elle soit.