Ce lundi, 10 octobre 1980, la population de Chlef aura passé 25 ans dans des logements préfabriqués construits suite à cette catastrophe qui avait durement frappé la région. Ce type d'habitat se trouve concentré dans les communes du chef-lieu et de Chettia, où l'on dénombre 18 000 habitations du genre. La plupart se trouvent dans un état de délabrement avancé et représentent un grand danger pour la vie de ses occupants. Pour rappel, le gouvernement en place à l'époque avait prévu de remplacer ce patrimoine immobilier à caractère provisoire dans le cadre de la troisième phase du plan d'urgence décidé en faveur des zones sinistrées. Or, cette phase n'a jamais vu le jour, car les gouvernements se sont succédé depuis, ont délaissé, voire relégué aux oubliettes cette option qui visait à normaliser la situation dans la région. Il a fallu attendre le mois d'avril dernier pour voir enfin le pouvoir se pencher sur ce dossier. Une délégation interministérielle composée des ministres de l'Intérieur, des Finances et de l'Habitat s'était rendue à Chlef pour discuter avec les responsables et élus locaux et des représentants du mouvement associatif des actions à entreprendre pour éradiquer progressivement ce genre de construction. La solution retenue définitivement et annoncée par le ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, consistait à ne prendre en charge que les locataires dont les biens sont gérés par l'OPGI et pour lesquels ont avait dégagé un projet de réalisation de 6 000 logements sociaux à la périphérie des villes de Chlef et de Chettia. L'opération, qui sera financée par le Fonds arabe du développement économique et social, a déjà fait l'objet, en juillet dernier, de l'installation de la cellule de suivi technique par le ministre de l'Habitat, Mohamed Nadir Hamimid, en présence des autorités locales et des responsables des services techniques concernés. La cellule en question est chargée de proposer les variantes de solutions, notamment sur les plans de la conception et du choix d'assiettes, tout en tenant compte du plan d'aménagement. Les autorités considèrent que le problème des locataires relève de la responsabilité de l'Etat et à ce titre ils doivent bénéficier du relogement dans des habitations neuves à la faveur du programme de reconstruction prévu sur cinq ans. Les propriétaires exclus du dispositif Pour ce qui est des 12 000 autres sinistrés qui ont eu le tort d'acquérir leurs logements dans le cadre de la cession des biens de l'Etat, le ministre de l'Intérieur avait évoqué la possibilité d'octroi de crédits bancaires bonifiés pour la réhabilitation ou le remplacement de ce type de construction. Or, à ce jour, aucune décision n'a été prise à ce propos par le gouvernement. Toujours est-il que la démarche des pouvoirs publics n'a pas suscité l'adhésion des victimes de la catastrophe naturelle, qui estiment que l'option choisie n'a fait l'objet ni de consentement ni de consultation des principaux concernés. Les uns et les autres veulent tous rester sur les lieux et bénéficier d'un soutien de l'Etat pour réhabiliter ou reconstruire leurs demeures, selon les modalités arrêtées par les services techniques concernés. « Il est hors de question de quitter mon logement pour une question d'espace et l'éclatement de la famille. A l'instar de beaucoup d'occupants locataires, j'ai introduit, depuis plusieurs années, un dossier d'achat de mon appartement, mais celui-ci est toujours bloqué au niveau des services de la daïra au motif que la session des biens de l'Etat est gelée par les autorités centrales. Je ne quitterai jamais le domicile où j'ai passé 25 ans de ma vie avec mes enfants », nous dira un père de famille. Cette déclaration résume l'avis de tous les Chellifiens, qu'ils soient locataires ou propriétaires, car le séisme du 10 octobre 1980 en a fait des sinistrés à part entière sans distinction ni discrimination. Ceux qualifiés aujourd'hui de propriétaires ne sont en fait que des victimes de la tragédie qui ont été touchés dans leur chair, soit un grand nombre des sinistrés ayant acquis leurs logement à des prix plutôt symbolique (entre cinq et six millions de centimes l'unité) avec, en plus, un règlement échelonné sur plusieurs années. « L'Etat fait cavalier seul et n'a pas daigné nous écouter ni réserver une suite favorable à nos revendications légitimes. Nous voulons une solution globale à un problème majeur qui a trop duré. Si le pouvoir avait une volonté sincère d'éradiquer ce grand point noir, il n'aurait pas dû proposer une solution partielle, comme si les autres sinistrés ne sont pas des Algériens », soulignent des citoyens dépités. Pendant ce temps, les autorités en charge du dossier continuent à suivre la voie tracée en tournant le dos aux cris d'alarme des populations touchées, comme si de rien n'était.