La femme dans les pays arabo-musulmans est aujourd'hui au centre d'enjeux politiques dont la finalité n'est autre que son statut au sein de la société. La mondialisation interpelle également les pouvoirs en place quant aux droits des femmes longtemps ignorés par les législations locales et qui les ont, dans la plupart des cas, à l'exception de la Tunisie et de la Turquie, réduites au rang de sous-citoyennes. Très souvent soumises dans la majorité de ces pays au droit coutumier ou à la tradition de la charia. Trois exemples puisés dans l'actualité de ces derniers jours montrent à quel point des forces politiques peuvent s'affronter autour de telles questions capitales pour l'avenir de ces sociétés... C'est pour la raison énumérée plus haut et sans doute par crainte de perdre le statut politique dominant que, poussé par les forces conservatrices, le débat sur la criminalisation de l'adultère dans le code pénal turc s'est prolongé jusqu'à la question de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne et que par là même le gouvernement Erdogan se voit acculé à faire marche arrière pour s'adapter aux normes de l'Europe communautaire. A l'opposé, en Egypte, l'épouse du président Moubarak, qui est également présidente de Conseil national des femmes égyptiennes, s'est vu éconduite par le grand mufti d'EI Azhar auquel elle demandait de promulguer une fatwa qui introduirait des amendes à l'égard des hommes polygames. Celui-ci a prétexté qu'une telle disposition, si elle venait à être introduite dans le système juridique égyptien, irait à l'encontre de l'esprit de la charia. Et chez nous, avant même que l'opinion ait pu prendre connaissance des amendements du code de la famille actuellement en vigueur, l'offensive des islamo-conservateurs pour le maintien des dispositions actuellement en vigueur du code de la famille a-t-elle de quoi surprendre ? Aussi bien les islamistes du parti EI lslah de Djaballah qui promettent de bloquer le texte à l'APN que ceux du MSP faisant pourtant partie de la coalition gouvernementale et qui jurent de faire sortir dans la rue des milliers de militants en signe de protestation, tous se disent décidés à faire barrage à ces demi-mesures auxquelles le Pouvoir semble attaché, alors que beaucoup de voix se sont élevées pour demander son abrogation depuis de nombreuses années, à l'instar des associations féminines. Faut-il rappeler que c'est le parti unique du FLN qui a initié en 1984 l'inique loi qui a introduit et conforté la discrimination de la femme en matière de droits dans le cadre d'un code réglementant soi-disant la famille et qui en réalité régente exclusivement les obligations de la femme. L'innovation juridique, s'il en est, c'est que précisément pour la première fois l'inégalité en droits entre les deux sexes allait être sournoisement légalisée au mépris du principe constitutionnel affirmé consacrant l'égalité dans les textes fondamentaux de 1976 et de 1979. Les juristes ne le répéteront pas assez : le statut de la femme ne s'est pas pour autant amélioré depuis, bien au contraire. Avant 1984, la femme, pour se marier par exemple, n'avait nullement besoin de tuteur, que ce soit son père ou un frère ou même le juge, pour contracter une union civile au sens du droit positif algérien tel qu'il a été conçu après l'indépendance. Mais très vite, ce fameux code de la famille allait être beaucoup plus le code de la femme en termes d'obligations qu'autre chose, engendrant une régression au plan juridique du statut de la femme en termes de droits citoyens et des effets et conséquences extrêmement lourds au plan social. D'ailleurs, une enquête sociologique révélait, il y a quelques années, que 73% des délinquants mineurs sont issus de couples divorcés. Le mouvement associatif féminin et le courant démocratique ont d'ailleurs très tôt compris la manœuvre à laquelle tenaient Boualem Baki et les islamo-conservateurs en initiant le code de la famille. Pour preuve, lors des débats parlementaires en 1984 sur le projet de code, il s'est trouvé des députés du FLN eh oui ! qui péroraient sur la longueur du bâton qui devrait servir à flageller la femme selon la charia...Mais les tentatives d'essayer d'influer sur le cours des choses dans le sens de la modernité et de l'égalité n'aboutiront pas du fait des différences d'appréciation sur la manière d'aborder la question au regard de la loi et du droit positif de la part des différents acteurs opposés à la codification du statut exclusif et restreint de la femme. Celle-ci, si elle ne repose pas sur les principes de l'égalité en termes de droits juridiques et de neutralité, n'aboutira en fait qu'à la reconduction d'un statut inique de la femme, objet du code de la famille. Aller au-delà de demi-mesures exige un courage politique qu'apparemment le Pouvoir politique algérien ne semble pas posséder depuis des décennies. Non seulement la femme est l'avenir de l'homme, mais bien plus celui de la société. Ce que des sociologues ne manqueront sans doute pas de mettre en évidence.