Quelques Cherchellois septuagénaires et sexagénaires avaient pris rendez-vous, après la prière du tarawih, mercredi dernier au siège de l'Office local du tourisme (OLT), pour assister à une soirée de musique andalouse, organisée furtivement par un petit groupe de personnes, afin d'échapper aux veillées ennuyeuses. Elle s'était achevée à minuit. Il n'y avait pas beaucoup de monde. En cette soirée ramadhanesque, les jeûneurs préfèrent envahir les cafés pour s'adonner aux jeux de cartes et dominos, d'autres optent pour les commérages dans les cafés et les coins de rue et une partie choisit les balades en cette douce nuit qui marque le quinzième jour du Ramadhan. Ce mouvement de personnes était éphémère, car la télévision a accaparé la majorité des citoyens. Au siège de l'Office local du tourisme, l'ambiance était « clean », purement andalouse. Les vétérans cherchellois nostalgiques commençaient à se rappeler des veillées d'antan, organisées au niveau de certains cafés fréquentés par les Algériens et également au niveau des locaux commerciaux appartenant aux familles cherchelloises. Ils écoutaient religieusement les chansons interprétées magistralement par cheikh Si M'hamed El Annabi avec sa mandoline, enthousiaste, accompagné durant ces deux heures et demie de rêve par des musiciens talentueux, de surcroît ses anciens élèves : le violoniste Kamel, le banjoïste Mokrane, le mandoliniste Toufik, les percussionnistes Abdou à la derbouka et Mustapha au tar. Sans sonorisation, l'orchestre virtuose a produit la nouba ramel maya, la nouba sika, haouaz, aroubi et maya (sbouhi). Ils n'ont pas l'habitude de jouer ensemble, mais le cheikh et les musiciens ont répondu rapidement à l'invitation de l'OLT de Cherchell. L'organisateur, Korchi Mohamed, a mis l'accent dans sa courte intervention sur le rôle de la culture de proximité qui ne nécessite pas de gros moyens pour créer l'animation et les rencontres entre les habitants de la ville. « Nous nous recueillons à la mémoire des artistes algériens qui ont disparu de ce monde. Mais hier notre pays a perdu un autre artiste aux talents immenses, qui nous est très cher, qui venait souvent à Cherchell animer des soirées et rendre visite à certains membres de la famille Souilamas. Il s'agit de Si Mustapha Skandrani, à qui nous avons voulu rendre hommage », dira-t-il. Il n'en demeure pas moins que cette soirée, qui fut simple, conviviale mais hautement culturelle, avait une grande portée, d'autant plus qu'elle n'était caractérisée par aucun protocole. Parmi l'assistance, nous avons noté la présence d'un député de l'APN, d'un ancien membre du défunt CNT, du président du CRA local, de quelques enseignants, d'artistes et de citoyens anonymes. Cheikh Mohamed Cherchali, auteur, compositeur et interprète du chaâbi était là et suivait attentivement la production de l'orchestre. « C'est juste et magnifique », avoue-t-il. Il compte venir volontairement animer une soirée dans le même style convivial et familial, précise-t-il. Hadj Chabni, hadj Abbou et Hadj Benmokadem, des anciens dirigeants sportifs du Mouloudia de Cherchell, n'en croyaient pas leurs yeux et ne s'attendaient pas à vivre des moments pareils, qui les ont fait revivre leurs années de jeunesse. « C'est une soirée volée, improvisée certes, même avec de l'argent nous ne croyons pas que cela aurait pu se passer comme ça », ajoutent-ils. Pour immortaliser cette rencontre, les « vétérans » cherchellois et d'autres pCherchell. Soirée des anciens Plaisir mélomane de proximitéersonnes de l'assistance se sont rassemblés autour du cheikh et ses musiciens pour prendre des photos. Il est minuit et quart. L'initiateur de la veillée andalouse s'organise à assurer le transport aux « vieux hadj » vers leur domicile, grâce aux mélomanes qui disposaient des véhicules. Les moments de rêve se sont achevés. Les absents ont regretté, tandis que le retour au « live » est insupportable, pour ces mélomane âgés.