Si la tradition veut que la rupture du jeûne se fasse avec des dattes, ou pour certains villageois, ce sont les figues qui en font office, se permettre ces deux denrées pendant le mois sacré n'est pas à la portée de tous. A la longue liste des privations frustrantes qui n'épargnent que l'appareil digestif des bien lotis, s'ajoutent, en ce début du mois sacré de Ramadhan, les variétés glucosées qui allèchent de loin, sans oser s'en approcher, les petites bourses des habitants de la wilaya de Blida, à l'instar des autres concitoyens du pays. D'aucuns vaquant, perplexes, couffin vide, au niveau des marchés des fruits et légumes de la ville des Roses n'ont pas cru leurs yeux et leurs oreilles en voyant affiché net sur une étiquette biscornue, en sus de la criée, les figues à 200 DA le kilogramme. Le fruit est bien entreposé dans des casiers que lorgnent avec un regard écarquillé et subjugué les passants, «surtout les femmes et les vieilles dames», nous dit-on. Cette envolée vertigineuse du prix du fruit est d'autant plus inexplicable que les montagnards des piémonts de l'Atlas blidéen disent, que «la récolte, quoique pas bonne mais relativement consistante cette année, tous les contrebas donnant sur Blida sont jalonnés d'une multitude de figuiers toutes espèces confondues». «Ce fruit que certains ménages veulent comme substitut aux dattes pour rompre le jeûne, était, ces dernières années, à la portée de tout le monde», s'exclame un père de famille. Dans son fief à Hammam Melouane, situé au pied de l'Atlas blidéen, le fruit est cédé entre 140 à 150 DA. A propos des dattes, c'est un autre luxe glucosé que les Algériens s'offrent de moins en moins, alors qu'il constitue l'un des ingrédients essentiels qui garnit, au f'tour comme au s'hour, la table des jeûneurs du Ramadhan, leur prix est de 500DA le kg. L'autre historiette des soubresauts gastronomiques du mois de Ramadhan est le raisin de table. Cet autre fruit, de par sa qualité juteuse et énergisante, est aussi utilisé par certains pour rompre le jeûne. C'est dire vrai que l'on se trouve bien sous les latitudes climatiques des vignobles. En effet, ce délicieux fruit ne s'offre plus gracieusement comme par le passé. Il faut bien racler au fin fond de sa poche pour se permettre quelques grappes de raisin de qualité, «faut surtout pas croire au luxe». Les variantes de raisin comme le gros noir, cinsault, dattier... pour s'en offrir une qualité acceptable, ce n'est pas en deçà de 80 DA le kilogramme sinon, pour se permettre cette «denrée rare» encore à son début de saison, vous avez quand même droit à un prix moindre, mais aux grappes de raisins de mauvaise qualité altérées par les différentes manœuvres lors de la manutention et du transport. Les grappes de raisin flambant frais coûtent entre 120 à 130 DA le kilogramme. Si les médecins conseillent au consommateur d'opter pour des rations pondérées, entre autres les 100 grammes de viande par jour, des légumineuses riches en fibres et vitamines et des fruits pour la charge de calories énergisantes, le citoyen, perdant le nord, ressemble plutôt à une boussole affolée tant il est vrai que sa petite bourse s'apprête de moins en moins à s'offrir le minimum nécessaire. De quoi rompre son jeûne quoi !