La campagne répressive en Tunisie s'est aggravée avec l'arrivée de Ben Ali au pouvoir et la situation s'est nettement détériorée et ce, dans tous les domaines, depuis les années 1990. Nous avons espéré qu'à la veille du sommet mondial des sciences de l'information qu'abritera la Tunisie les 16 et 17 novembre prochain, il y aura des mesures d'assouplissement envers la société. Malheureusement, c'est le contraire qui s'est produit », nous dira Mme Radia Nasraoui, avocate et présidente de l'Association de lutte contre la torture en Tunisie (ALTT) et dont l'époux fait partie des huit personnalités qui ont entamé mardi dernier une grève de la faim illimitée. Il s'agit de Hama Hammami, porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT). Les autres grévistes sont Ahmed Néjib Chebbi, secrétaire général du Parti démocratique progressiste (PDP), Abderraouf Ayadi, vice-président du Congrès pour la République, Ayachi Hammami, secrétaire général de la section de Tunis de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'homme, Lotfi Haji, président du Syndicat des journalistes tunisiens, Mohamed Nouri, président de l'Association de soutien aux prisonniers politiques, Mokhtar Yahyaoui, juge et président du centre de Tunis pour la Défense de l'indépendance de la magistrature et enfin Samir Dilou, avocat. La grève de la faim, selon Mme Nasraoui, est le dernier recours et l'unique solution pour démonter au monde entier la détresse et l'injustice auxquelles est confronté le peuple tunisien dans son ensemble. Il est, estime notre interlocutrice, inconcevable de mettre les gens en prison parce qu'ils ont tout simplement dit haut est fort ce qu'ils pensaient du pouvoir tunisien. « Des centaines de militants de partis politiques, du mouvement estudiantin, des syndicalistes ont été mis en prison depuis 1989. Certains ont été même jugés et rejugés pour une même affaire. Tout le monde attendait leur libération à la veille de la tenue du sommet, en vain », a expliqué Mme Nasraoui. Les Tunisiens, notamment les militants des droits de l'homme, ont cru que l'Etat allait ouvrir certains espaces, allait autoriser les journalistes et les magistrats à tenir sans aucune difficulté leurs congrès et ce, pour prouver aux invités étrangers qui vont participer ou couvrir le sommet mondial des sciences de l'information que la Tunisie est un Etat démocrate. Toutefois, l'espoir des unes et des autres s'est estompé avec la répression qui s'est abattue sur les militants de différentes organisations. « L'état des libertés a atteint, ces derniers moments, un niveau de dégradation intolérable. Des magistrats sont devenus la cible du pouvoir alors qu'ils sont un corps non politique, mais le fait d'avoir réclamé leur indépendance. Des avocats ont été sauvagement abattus pour avoir dénoncé la répression policière. Les responsables de la ligue des droits de l'homme ont été empêchés de tenir leur congrès, car ils ont dénoncés les violations et les tortures infligées aux prisonniers... », a affirmé Mme Nasraoui qui nous énumère une longue liste des violations et de la barbarie du pouvoir. Notre interlocutrice déplore le fait qu'en Tunisie un avocat ne peut pas ou plutôt n'a pas le droit de défendre un client dont l'affaire touche au pouvoir en place. « Les avocats qui ne respectent pas les règles du pouvoir sont quotidiennement intimidés et leurs familles terrorisées. En Tunisie, tout est verrouillé et lorsqu'on s'attaque à un avocat on veut carrément semer la peur et la terreur au sein de tous les foyers. C'est d'ailleurs la raison qui a poussé la société à agir et à recourir en premier lieu à une grève de la faim », a indiqué Mme Nasraoui qui ajoute que la majorité des quotidiens qui ont publié la réalité du terrain ont été suspendus et interdits de parution. Mme Nasraoui est persuadée qu'aujourd'hui le peuple tunisien est déterminé à aller jusqu'au bout. Les huit personnalités en grève représentent les différentes tendances de la société et un comité de soutien aux huit a été créé. « Toute la société se retrouve dans le groupe qui est soutenu de l'intérieur et de l'extérieur du pays. Les Tunisiens boycotteront le sommet mondial des sciences de l'information et les représentants des différentes organisations envisagent de tenir des activités en parallèle pour expliquer aux participants étrangers la réalité et le vrai visage de la Tunisie », dira notre interlocutrice.