Le Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI), s'ouvre aujourd'hui à Tunis sur fond de tensions et de critiques des organisations de défense des droits de l'homme locales et étrangères. Alors que le contrôle de l'internet et la liberté d'expression en Tunisie posent problème dans ce pays, l'objectif de cet événement de trois jours est, selon les organisateurs, de se donner les moyens de relier tous les villages du monde à l'internet en 2015, pour faire en sorte que la mondialisation rapide des télécommunications et de l'informatique profite à tous. L'organisation du sommet en Tunisie a suscité de vives critiques de la part de certaines associations, comme Reporters sans frontières (RSF), qui accusent ce pays de bafouer la liberté de l'information. La polémique a rebondi depuis l'agression le 11 novembre dernier à Tunis d'un journaliste de Libération, Christophe Boltanski, venu enquêter sur les droits de l'homme. La dernière bavure policière date de deux jours, une équipe de la télévision publique belge RTBF a été molestée, lundi, alors qu'elle travaillait sur le même sujet. Tandis que sept opposants tunisiens observent actuellement une grève de la faim pour réclamer la liberté d'expression, le président Ben Ali leur a reproché un « manque de patriotisme » à l'approche du SMSI. Des organisations de la société civile participantes au Prepcom 3 du Sommet mondial de la société de l'information (SMSI) à Genève (17- 30 septembre 2005) ont pourtant saisi officiellement le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan pour exprimer leur inquiétude quant aux conditions de la tenue du Sommet à Tunis du 16 au 18 novembre 2005. « Nous avons le regret de vous informer que si aucune amélioration significative de la situation des droits humains en Tunisie n'intervient d'ici le 16 novembre, nous serons amenés à reconsidérer les modalités et le niveau de notre participation à ce sommet. Nous vous prions de bien vouloir envoyer un haut représentant en Tunisie pour examiner la situation dans le pays hôte et de demander ensuite à la Tunisie de se conformer officiellement à ses engagements internationaux en matière de droits humains », ont-elles souligné. La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, l'Organisation mondiale contre la torture et Droits et Démocraties ont fait part de leurs vives préoccupations quant à la capacité ou la volonté des autorités tunisiennes de respecter leurs engagements au regard du droit international dans le cadre de l'organisation de la participation de la société civile à ce sommet et dans la mise en œuvre de la société de l'information en Tunisie. Le rapport établi par ces trois organisations, en mai 2005, met en lumière les nombreuses pratiques de détention arbitraire, les agressions physiques et le harcèlement judiciaire, dont font l'objet les défenseurs des droits de l'homme et leurs organisations, la répression systématique des libertés d'expression et d'association, la censure et le contrôle de l 'internet, qui constituent autant d'obstacles à « la réalisation d'une société de l'information en Tunisie respectueuse des droits de l'homme », signalent ces organisations. Malgré les appels lancés par ces organisations aux autorités tunisiennes à travers les communiqués diffusés suite aux violations commises sur les militants et défenseurs des droits de l'homme, « non seulement aucune amélioration n'a été enregistrée, mais nous avons assisté à une grave détérioration de l'état des libertés », regrette-t-on. Une situation qui se manifeste par l'interdiction du congrès constitutif du Syndicat des journalistes tunisiens (SJT) (le 7 septembre) et la persécution de ses membres, l'interdiction de la tenue du 6e congrès de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) (le 9 septembre) et la paralysie de ses sections par la violence policière, les attaques contre le barreau tunisien allant jusqu'à l'agression physique du bâtonnier et des avocats au Palais de justice et la condamnation de maître Mohamed Abbou, en juin 2005, à trois ans de prison ferme pour avoir publié sur un site internet une tribune critiquant la situation des prisons tunisiennes, l'instrumentalisation de la lutte contre le terrorisme pour condamner sans preuve des jeunes, à l'issue de procès considérés iniques par les observateurs internationaux, le maintien de plus de 600 prisonniers d'opinion dans des conditions inhumaines et dégradantes et le harcèlement de ceux qui ont purgé leur peine par l'imposition de contrôles administratifs, y compris l'assignation à des endroits très éloignés. Les parties prenantes à la première phase du sommet déplorent le fait que le gouvernement tunisien n'ait pas respecté ses engagements consécutifs à cette déclaration en sa qualité de pays hôte de cette seconde phase et qu'il soit en train de compromettre les chances de réussite de ce sommet par une politique délibérée de violations massives des droits humains. Ils considèrent que les conditions minimales de la tenue de ce sommet ne sont pas réunies et qu'en l'état, la crédibilité des Nations unies et de la communauté internationale est engagée de ne pas cautionner des pratiques et des agissements contraires aux engagements internationaux.