La société tunisienne entre de plain-pied dans la révolution numérique. Un boom extraordinaire.C'est le moins que l'on puisse dire lorsqu'on retrouve la Tunisie 20 ans, 10 ans ou un an après. Un constat, un sentiment et une impression qui laissent perplexe celui qui lit la littérature distillée par quelques sites qui se croient dépositaires de quelque conscience, mais qui, en réalité, ne représentent qu'eux-mêmes ; c'est-à-dire une poignée d'activistes sans crédibilité auprès des citoyens tunisiens. La preuve est qu'ils se sont égosillés à appeler, une semaine durant, à une grève dans le secteur de l'éducation, «programmée» jeudi dernier. Aucun écho; tous les cours ont été dispensés par les enseignants qui avaient compris que la lutte pour une augmentation salariale se devait être autrement. Par la négociation, par le dialogue. Finalement, l'augmentation des salaires avait été acquise «malgré les charges nouvelles que l'Etat doit assumer après l'augmentation du baril de pétrole». Acquise bien avant que cet appel à la grève ne soit lancé. Il y en a eu d'autres, mais sans impact auprès des Tunisiens qui semblent accorder ni crédit ni intérêt à des initiatives bien singulières. Pour preuve, il n'y a qu'à observer la pile de publications de l'opposition qui n'intéressent que de très rares lecteurs. El Maoukef, l'hebdomadaire qui «lynche» chaque semaine tant les autorités tunisiennes que le RCD, parti au pouvoir, n'attire même pas les regards. Les propos du buraliste sont fort éloquents. «Il n'y a de véritable opposition que celle qui réside en Tunisie, qui s'impose en Tunisie et qui construit en Tunisie. Les autres sont des mannequins qu'utilisent des organisations étrangères renvoyées de Tunisie. Les Tunisiens ne sont pas dupes, ils ont compris. Personne ne connaît mieux que nous nos intérêts», souligne-t-il avec un sourire bien ironique. Avant de revenir à ce boom économique, il est utile de rappeler un constat. Si le «combattant suprême», le défunt Habib Bourguiba, a pu faire accéder la Tunisie à l'indépendance, que pouvait-il faire pour assurer aux Tunisiens une vie décente, sachant que l'illettrisme, le sous-développement, la pauvreté, l'absence d'infrastructures de santé, d'éducation et d'emploi, l'inaccessibilité à l'eau potable et à l'électricité, et surtout l'indisponibilité de cadres... constituaient les principaux obstacles à une sortie de la situation de misère, et le frein à l'intégration au processus de développement. Il y a vingt ans, un ménage sur cinq disposait d'eau potable et d'électricité, environ 35% des Tunisiens vivaient au-dessous du seuil de pauvreté, la moitié des citoyens habitaient des bidonvilles, l'espérance de vie ne dépassait guère les 51 ans, plus des deux tiers des jeunes sans scolarité... un état des lieux catastrophique dans lequel le citoyen ne disposait d'aucun repère. Première action à laquelle s'était attelé Bourguiba: stabiliser la société tunisienne par l'instauration, le 13 août 1956 (soit cinq mois après l'accession à l'indépendance qui a eu lieu le 20 mars 1956), d'un code de statut personnel dans lequel l'autre moitié de la société tunisienne (c'est-à-dire les femmes) jouissait d'une considération particulière. Puis la deuxième action qui a permis à Zine El Abine Ben Ali de disposer de cadres instruits et compétents, celle qui consiste à éduquer les Tunisiens. Malgré peu de ressources, Bourguiba a entamé une politique d'éducation et d'enseignement qui a porté aujourd'hui ses fruits, d'autant plus que l'actuel président a, lui-même, persisté dans cette démarche. A titre d'exemple, ils étaient 11.000 étudiants en 1970, ils sont plus de 350.000 aujourd'hui à occuper les universités tunisiennes présentes dans toutes les grandes villes (le taux de scolarisation dans l'enseignement supérieur se situe aux environs de 35% contre 2,1% en 1966). Dans l'enseignement supérieur, la femme se taille la part du lion, puisqu'elle représente 57% des étudiants. Autres taux fort révélateurs sur la femme au sein du secteur public (21%), de la magistrature (33% des magistrats, 31% des avocats), dans la santé (40% des médecins, 72% des pharmaciens), 10 000 femmes chefs d'entreprise et 1 500 chefs d'exploitation agricole. «Si Bourguiba a fait acquérir l'indépendance aux Tunisiens, Ben Ali leur a procuré une dignité, un emploi, l'éducation et surtout il a encouragé les Tunisiens à participer à la construction de la Tunisie. Récemment encore, il disait aux journalistes tunisiens: ‘'Osez, osez''. C'est tout dire», confie le directeur d'un hebdomadaire connu pour ses anciennes accointances avec les gauchistes et tous leurs extrêmes. Il y a dix ans, dès le lendemain de son avènement, le président Ben Ali a entrepris un processus de démocratisation des institutions et de la vie politique dans la perspective d'un régime pluraliste fondé sur les valeurs de la République et de la démocratie. Le premier trait marquant de cette démarche est sans doute le large consensus national autour des valeurs républicaines qui s'est traduit par la conclusion d'un Pacte national par toutes les forces politiques et sociales du pays. La réforme constitutionnelle d'octobre 1997 a reconnu le rôle majeur des partis politiques dans la vie politique. Aujourd'hui, le pluralisme politique est marqué par la présence de 8 formations politiques d'obédience diverse, qui se disputent l'espace politique. Deux faits importants qui ont eu lieu il y a dix ans: d'abord la création du Fonds de solidarité nationale dit «26-26», à l'initiative du président Ben Ali. M.Hedi M'henni, secrétaire général du RCD évoque sa création: «Nous étions en conseil des ministres. Principal souci du président, la création d'un fonds de solidarité. Chaque ministre affirmait que ses ressources financières étaient limitées et qu'il était désolé de ne pas satisfaire pleinement la volonté du président. A la fin des débats, le président a décidé de solliciter la société tunisienne. Aujourd'hui, c'est une réussite...» Aujourd'hui, le président tunisien est derrière une initiative à l'échelle planétaire, celle de la création d'un fonds mondial de solidarité. Grâce à ce «26-26», des millions de dinars ont été collectés et canalisés pour financer des programmes destinés aux régions et aux populations nécessiteuses. Ensuite, la création du «21-21», un fonds pour favoriser la disponibilité de nouveaux emplois à travers l'octroi de milliers de microcrédits au profit des jeunes diplômés et autres catégories sociales pour le lancement de petits projets générateurs de revenus. En matière de bilan chiffré, quelques indicateurs à propos de l'amélioration des conditions de vie: 3580 DT en 2004 en matière de PNB (960 DT en 1986 ); 4,2% de taux de pauvreté en 2004 (contre 22% en 1975), 44% de logements rudimentaires en 1966 contre 0,8% en 2004, taux de mortalité infantile: 138,6 en 1966 contre 22,1 en 2003... Cependant, le meilleur indicateur qui parle de lui-même est le domaine du numérique, de l'informatique, de l'Internet qui a sa place dans le transport ferroviaire, la sécurité routière, les administrations et tous les secteurs de la vie. Comme des petits pains, les puces de portables sont cédées à 5 DT avec en plus un cadeau de 15 DT en matière de communications. La société tunisienne entre de plain-pied dans la révolution numérique. La tenue du Sommet mondial de la société de l'information, qui aura lieu à partir de jeudi prochain, va insuffler un nouvel élan à la promotion du numérique au sein même des familles tunisiennes.