C'est sans doute le lieu qui parvient à s'adapter le mieux à cette atmosphère si particulière, parfois étrange, qui enveloppe Sétif durant le Ramadhan. Il s'agit du marché couvert de la ville et de sa spectaculaire transformation annuelle, pour les besoins de l'intense activité liée au mois sacré. Pendant le Ramadhan, l'on s'y rend pour faire des emplettes ou simplement pour regarder les étals et passer le temps. L'atmosphère qui y règne et les scènes parfois cocasses qui s'y déroulent au quotidien créent une animation bon enfant et confèrent toute sa particularité à l'endroit. La bâtisse, située en plein cœur de la cité, au centre de la rue des Frères Meslem (autrefois rue Trajan), n'est pas habituellement, il faut bien le dire, un modèle de propreté. Les efforts des commerçants et de la commune pour l'hygiène de l'endroit (enlèvement très rapide des ordures, arrosage fréquent des trottoirs alentours) ne sont pas en cause, mais la nature même de l'activité du marché, où opèrent, à côté des marchands de légumes, bouchers, tripiers, poissonniers et autres volaillers, pourrait difficilement donner lieu à une netteté comparable à celle d'une grande surface, par exemple. Si bien que les clients, toujours nombreux tout au long de l'année, ont fini par s'habituer aux remugles, parfois puissants (mais pas toujours agréables) qui se dégagent du marché. Et puis le miracle se produit. Une fois par an, mais il se produit quand même. C'est le Ramadhan. Les parfums des épices et des herbes aromatiques supplantent toute trace de relent désagréable. La disposition parfaite des fruits et légumes sur les étals remplace avantageusement le côté « pêle-mêle » de la présentation des produits durant tout le reste de l'année, l'ingéniosité dont rivalisent les bouchers et les volaillers pour vous amener l'eau à la bouche (rôtis ficelés parés de brins de persil, côtelettes coupées à la perfection, poulets nettoyés et prêts à la cuisson) tranche avec la tristesse des échoppes, le reste de l'année, et le manque d'imagination dans la présentation des viandes. Pour Lamri, spécialiste des herbes aromatiques et l'un des doyens du marché couvert de Sétif, « les commerçants observent aussi le jeûne et ont les mêmes envies que leurs clients, ils se font aussi plaisir à eux-mêmes ». Le Ramadhan, estime Lamri, « c'est autre chose. L'ambiance est différente, et cela a toujours été comme ça ». Toutefois, explique t-il, « il ne faut pas occulter que le Ramadhan est aussi l'occasion pour les commerçants du marché de réaliser de bonnes affaires, c'est légitime, la demande est très forte ». Construit vers les années 1930, face à l'ancien Hôtel des Postes, le marché couvert de Sétif ne consistait, lors de son ouverture, qu'en une sorte de vaste hangar rectangulaire surmonté d'une toiture en tuiles.