Les pays arabes viennent de subir une autre «Nakba» face Israël. Leur projet de résolution réclamant de l'Etat hébreu la signature du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), hier, à l'AG de l'Agence interantionale de l'énergie atomique (AIEA) a été nettement rejeté. Une majorité des 51 Etats membres de l'agence réunis à Vienne, sous la bannière étoilée des Etats-Unis ont fait capoter le projet du groupe des 22 pays arabes qui n'a recueilli que 46 voix alors que 23 pays se sont abstenus. Bien que ce soit une résolution non contraignante, les Américains ont tout de même réussi à constituer un bouclier contre une condamnation, ne serait-ce que symbolique, de leur allié stratégique. La «vieille» Europe a évidemment répondu comme un bon soldat obéissant à l'ordre venu de l'état-major US. Il n'est pas question de voter contre Israël quand bien même son arsenal nucléaire non déclaré peut détruire tout le Moyen-Orient. Mais avaient- ils le choix après la mise en garde de l'ambassadeur d'Israël à l'AIEA ? Ehud Azoulay a, en effet, brandi le fameux carton rouge qui consiste à dire que «l'adoption de cette résolution portera un coup fatal à tout espoir d'efforts de coopération à venir en vue d'une amélioration de la sécurité régionale au Proche-Orient». Il fallait dont «sauver» des négociations, au demeurant boiteuses, entre l'Autorité chancelante de Mahmoud Abbas et l'intraitable Netanyahu qui s'apprête à donner le feu vert à ses bulldozers pour détruire les maisons de Palestiniens et construire sur leurs décombres des colonies sauvages. Atomes crochus Mais la cause est entendue entre Israël qui fait semblant de menacer à défaut d'être rappelé à l'ordre au nom du droit international, et le couple américano-européen qui affiche une fausse inquiétude de ce que les négociations de paix risquent de subir les contrecoups d'une éventuelle condamnation d'Israël à l'AIEA. C'est du reste une tactique de négociation éculée que les Arabes ont curieusement du mal à assimiler : le compagnonnage diplomatique américain et occidental n'est valable que si l'Etat hébreu n'est pas la cible. Les Etats-Unis tirent souvent leur épingle de ce jeu d'enfant qui consiste à dresser certains pays arabes contre le «géant» iranien, mais pas contre Israël. L'Egypte, l'Arabie Saoudite et la Jordanie sont si promptes à voter contre le programme nucléaire iranien, dont le caractère militaire n'a jamais été prouvé, apportant ainsi du grain à mordre à Israël, aux Etats-Unis et à l'UE. Mais ces derniers leur faussent compagnie dès qu'il est question de la puissance atomique d'Israël. Signe que le parapluie US va encore protéger à l'infini le «droit» d'Israël à enfreindre la légalité internationale et les principes de l'AIEA, Obama a dépêché son principal conseiller aux affaires nucléaires, Gary Samore, à la réunion du Conseil des gouverneurs, à Vienne. Sa mission ? «Travailler» au corps les délégués des pays arabes d'abandonner l'idée de cette résolution qui pourrait nuire à la reprise des discussions entre Israéliens et Palestiniens ! Concrètement, les Etats-Unis demandent aux pays arabes de ne «pas fourrer leur nez» dans le programme nucléaire israélien pour ne pas énerver Netanyahu et sauver les «négociations». Or, il s'agit pourtant d'une fausse juxtaposition de deux questions bien distinctes. Où est, en effet, le rapport entre des efforts diplomatiques pour parvenir à une paix entre deux peuples, et une exigence de la sécurité internationale de mettre les arsenaux nucléaires des pays sous la loupe des inspecteurs de l'AIEA ? Autrement dit, pourquoi les USA et les Européens multiplient pressions, sanctions, réunions et menaces contre l'Iran sur son programme pacifique jusqu' à preuve du contraire, quand Israël avec ses 300 ogives conserve un statut de non-concerné au sein de l'AIEA. La pax américana Il est incontestable que cette politique de deux poids, deux mesures pratiquées au nom de la justice des puissants apporte de l'eau au moulin de Téhéran. Le bon sens aurait voulu que les Etats-Unis, si tant et qu'ils se soucient d'un monde dénucléarisé, comme le prétend Obama, forcent Israël à signer le TNP, quitte à remettre à plus tard les négociations de paix. Mieux encore, tout le monde sait que Washington est en mesure de forcer la main à Tel-Aviv, y compris pour la conclusion d'un accord de paix avec les Palestiniens suivant les frontières de 1967. Le problème est que les Etats-Unis ne veulent pas, du moins pour l'instant, d'une paix au Moyen-Orient. Le complexe militaro-industriel américain a encore besoin qu' Israël soit plus arrogant pour justifier l'effort de guerre et enraciner la présence des marines dans la région. Et dans cette stratégie, l'Iran et le Hamas jouent, à leur corps défendant, un rôle clé dans cette équation bien connue pour Israël et les Etats-Unis. C'est pourquoi, l'AIEA n'a même pas réussi à rééditer le vote d'il y a une année d'une résolution demandant à Israël de signer le TNP. Le représentant en chef israélien pour le nucléaire, Shaul Chorev, a résumé parfaitement la position de son pays : «Une signature du TNP par Israël va contre les intérêts nationaux du pays.» Ce traité est pourtant signé par 189 Etats depuis 1970, mis à part Israël, l'Inde et le Pakistan. Mais pour les dirigeants de l'Etat hébreu, la sécurité de leur pays est beaucoup plus importante que celle du monde. C'est là tout le drame d'un monde injuste que les Etats-Unis et leurs alliés s'échinent à défendre envers et contre toute logique.