L'APN ne peut pas enquêter sur la corruption.» «Les députés ne sont pas habilités à proposer des projets de loi»… Le président de l'Assemblée populaire nationale, Abdelaziz Ziari confirme, dans son intervention samedi dernier sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale, le constat fait par tout le monde : l'APN est «inutile». Mais ses déclarations sont tombées cette fois tel un assommoir sur la tête des élus du peuple, en particulier ceux qui veulent remettre en cause l'ordre établi en prenant de l'initiative. Enquête sur la corruption Ces derniers sont tout simplement outrés. «Il a dit clairement que c'est l'Exécutif qui fait les lois. C'est une conception complètement erronée du pouvoir législatif. Cette dernière n'a rien à voir avec celle du régime parlementaire où, et c'est le cas dans tous les pays du monde, l'exécutif et le législatif ont en commun la prérogative de légiférer. La conception de Abdelaziz Ziari s'inscrit en porte-à-faux de la légalité», tonne Ali Brahimi, député, qui a été à l'origine de la demande d'une commission d'enquête parlementaire sur la corruption, rejetée par le bureau de l'APN. Ce refus, ajoute notre interlocuteur, est «tout simplement un grave déni du droit». «Car les mêmes articles de la Constitution et de la loi organique cités par le président de l'APN pour justifier le rejet de la demande en question, donnent le droit aux députés de constituer des commissions d'enquête parlementaire. De plus, la corruption est un délit unique et il est un droit pour les députés d'enquêter sur ce phénomène», rétorque-t-il. «C'est une honte nationale». L'enterrement définitif de la proposition de loi incriminant le colonialisme suscite encore l'indignation de ses initiateurs. Moussa Abdi, qui partage avec Abdelaziz Ziari l'appartenance à la même famille politique, le FLN, désapprouve son attitude. Le député du FLN qualifie de «crime» et de «trahison» le rejet du projet en question. «Nous sommes d'accord avec Abdelaziz Ziari quand il dit que le sujet est sensible et qu'il nécessite beaucoup de sang-froid. En revanche, nous considérons que cette proposition de loi répond à une demande populaire. Son enterrement constitue une trahison pour notre histoire, pour nos martyrs et pour la mémoire nationale», lance-t-il, précisant que les députés resteront attachés à leur projet. Plus offensif, Mohamed Hadibi, du mouvement Ennahda, qualifie l'annonce faite par le président de l'Assemblée de «honte nationale». Ce dernier demande la démission du bureau de l'APN qui est, estime-t-il, «incapable d'assumer son rôle et de garantir les droits des élus du peuple». «Cette attitude va discréditer davantage l'assemblée et influera négativement sur les résultats des prochaines élections législatives», soutient-il. Le musellement des députés et l'anéantissement du rôle de l'institution législative conduisent certains politiques chevronnés à la conclusion suivante : «Le processus de normalisation autoritaire entamé depuis 1997 a abouti.» C'est ce que pense Abdesslem Ali Rachdi, élu dans le premier Parlement pluraliste en Algérie, la législature de 1997. «Le régime dans son ensemble avait entamé un processus de restauration de l'ordre antérieur à 1989. L'objectif est le retour au système du parti unique, sous une autre forme», note-t-il. Durant la première Assemblée pluraliste et malgré la fraude massive, témoigne-t-il, «il y avait eu au moins un débat contradictoire et une vie parlementaire. C'était au temps de l'ancien président Liamine Zeroual. Aujourd'hui, nous sommes revenus au système de parti unique. Il y a certes une multitude de partis qui ne représentent en réalité que les divers courants qui composent le FLN d'avant 1989», conclut-il. Le même jugement est soutenu par Ali Brahimi.