Un centre de renseignements conjoint entre l'Algérie, la Mauritanie, le Niger et le Mali, sera installé demain à Alger, par les patrons des services de renseignements des quatre pays concernés. Sa mission : Collecter les informations sur le terrorisme dans la région du Sahel et les mettre à la disposition du centre opérationnel militaire du Sahel basé à Tamanrasset. L'Algérie semble être en train de servir de locomotive à la stratégie de lutte contre le terrorisme dans la sous-région du Sahel, où la situation sécuritaire est devenue de plus en plus inquiétante. Jusqu'ici, en effet, rien de vraiment sérieux n'a été collectivement entrepris, et les experts qui suivent de près la question ne croient pas à une réelle volonté politique des Etats de pacifier la région tant les intérêts des uns et des autres sont importants à préserver. «Officiellement, chacun des Etats est conscient de la gravité de la situation et se dit prêt à aller jusqu'au bout de l'éradication. Mais en réalité, tout est fait pour torpiller les actions sur le terrain », révèle une source au fait du dossier. Elle cite à titre d'exemple le cas du Centre opérationnel militaire conjoint de Tamanrasset, dont la création a été décidée au mois d'août 2009, et l'installation au mois d'avril 2010, après le sommet des ministres des Affaires étrangères des pays sahélo-sahariens. Il y a eu d'abord une divergence sur les missions de chacun des quatre pays représentés au sein de ce comité opérationnel, puis sur les modalités d'intervention et de fonctionnement. Certains pays estiment que la lutte antiterroriste est une mission qui relève des militaires sur le terrain et non pas des services de renseignements, et d'autres voient, à juste titre, que cette lutte ne peut se faire sans ces derniers. Finalement, l'idée de créer deux centres, l'un pour l'action, basé à Tamanrasset, et l'autre à Alger, pour la collecte de renseignements, a été retenue. Le premier est composé de militaires de haut rang de terrain et l'autre d'officiers de renseignements. La question qui se pose est de savoir comment se fera l'échange d'informations entre ces deux structures quand on sait qu'au sein du centre opérationnel de Tamanrasset les difficultés rencontrées en matière d'échange d'informations sur la situation du terrain n'ont toujours pas été résolues du fait des réticences observées chez certains membres. Ce qui a fait de ce centre une coquille vide. «Il n'arrive toujours pas à être opérationnel sur le terrain», déclare notre interlocuteur. Raison pour laquelle, d'ailleurs, le chef d'état-major de l'ANP, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, avait espéré que la réunion extraordinaire du conseil des chefs d'état-major des armées du Sahel, tenue dimanche dernier à Tamanrasset, puisse lever les «incompréhensions et les divergences», qui bloquent, vraisemblablement, les initiatives opérationnelles sur le terrain. A ce titre, précise une autre source proche du dossier, «il ne faut pas s'attendre» à ce que le centre de renseignements sur le Sahel, qui doit être installé demain par les patrons des services des quatre pays qui le composent, «soit efficace», à partir du moment où «il y a des Etats qui s'abstiennent pour une raison ou une autre, à faire des comptes rendus sur les activités des terroristes sur leur territoire». Notre interlocuteur se dit «sceptique» quant au choix du siège de cette structure, au sein même du Centre africain d'étude et de recherche sur le terrorisme (CAERT), à Alger. «Il aurait fallu trouver un autre siège et ne pas installer une structure aussi sensible au sein d'un centre de recherche et d'étude dépendant de l'Organisation africaine pour éviter toute volonté de mainmise sur cet espace de savoir», explique notre source. Dans ce sens, il regrette l'annulation inexpliquée d'une importante conférence internationale sur le terrorisme au Sahel, que le CAERT devait tenir à Bamako, la capitale malienne. «Cette rencontre devait réunir les responsables de la lutte antiterroriste de la région sahélo-saharienne et de l'Afrique de l'Ouest, et sortir avec une stratégie et des mesures concrètes pour éradiquer le terrorisme dans la région. Mais à la dernière minute, et sans justification aucune. Pourquoi refuser de se réunir dans les pays concernés par la zone Sahel et accepter de prendre part à des rencontres sur le même sujet, organisées par des Etats étrangers à la région?», s'interroge notre source. Une interrogation légitime surtout lorsqu'on sait que la France et l'Union européenne tiendront prochainement des conférences sur le Sahel, alors que le CAERT, dont la vocation est justement d'aider les Etats africains à comprendre et à lutter contre le phénomène du terrorisme dans leurs pays respectifs, se trouve ainsi mis à l'écart, fonctionnant avec un directeur intérimaire depuis près de deux ans. Ses deux dernières conférences sur le terrorisme ont eu lieu en avril-mai 2008, l'une consacrée à Afrique centrale et l'autre à l'Afrique du Nord, alors que certains de ses points focaux (des spécialistes de la lutte contre le terrorisme représentant chacun des pays membres de l'Union africaine), ne présentent pas les rapports de situation, nécessaires pour les réflexions relatives à la stratégie de la lutte contre le terrorisme. Force est de constater que quelque part, il y a des pays qui torpillent toute initiative de pacification de la région du Sahel, peut-être dans le but de faciliter l'intervention étrangère, sans prendre conscience des dommages collatéraux irréversibles que celle-ci va provoquer aux populations civiles d'abord et à l'avenir de toute la sous-région.