Les familles des disparus célèbrent, à leur manière, le 5e anniversaire de la charte pour la paix et la réconciliation nationale adoptée le 29 septembre 2005. Elles ont bravé l'interdit en réussissant à tenir hier un rassemblement à Alger-Centre. Pour une fois, les représentants des familles des disparus n'ont pas été malmenés et «tabassés» par les policiers.Ces derniers ne se sont présentés que tardivement sur les lieux. Leur nombre était très réduit, environ une vingtaine d'agents seulement. Ils se sont contentés d'encadrer les manifestants pour les empêcher d'occuper la voie publique.Ce qui laisse penser que les autorités ont toléré cette action. En tout cas, les parents des victimes des disparitions forcées ont atteint leur objectif qui est, selon eux, celui d'exprimer leur rejet «du silence officiel sur les dépassements enregistrés durant la décennie noire». La mobilisation était forte. Plusieurs dizaines de personnes, en majorité des vieilles dames, ont répondu favorablement à l'appel du Collectif des familles des disparus en Algérie (CFDA) pour marquer avec leur présence cette date symbolique. Ils sont venus de Tizi Ouzou, Constantine, Tiaret, Tipasa, Guelma, Médéa et Jijel pour «exiger la vérité sur la disparition de leurs enfants». Soutenus par des militants de la LADDH, du RAJ, du Snapap et des organisations des victimes du terrorisme, les contestataires ont exprimé leur colère contre «l'oubli imposé». Le sit-in a commencé vers 10h30. Brandissant des banderoles et des pancartes sur lesquelles sont inscrits des slogans dénonçant la charte pour la paix, ils demandent la vérité sur la disparition de leurs pères et enfants. «Ya houkam bladna, win rahoum ouladna (où sont nos enfants ?) », «Ouladna qadhiyatna, hata chi ma ye-khaoufna (nos enfants sont notre cause et nous ne craignons rien)», lancent-ils. D'autres slogans exigeant la vérité et la justice ont également dénoncé. «Non à l'impunité, justice et vérité», scandent-ils encore. Les participants à cette action ont interpellé le président de la République : «Ya raïs Bouteflika aâlach kheyef men lahqiqa» (Monsieur Bouteflika pourquoi avez-vous peur de la vérité ?). Ils ont également critiqué Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion de la charte pour la paix et la réconciliation nationale (CNCPDDH). «Ksentini barra ! (Ksentini dehors)», lancent-ils encore. D'autres slogans ont été également scandés. Les mères des personnes disparues ne sont pas prêtes à oublier leurs fils, enlevés devant elles. Certaines d'entre elles ont accepté l'indemnisation de l'Etat. Mais elles le regrettent aujourd'hui. C'est le cas de Mme Aribi Zineb. «Quand nous avons été convoquées pour le dépôt des dossiers, ils nous avaient dit que c'est une aide de l'Etat. Aujourd'hui, ils disent que ce sont des indemnités. Mon fils ne vaut pas 900 000 DA. Je regrette vraiment de l'avoir fait», déclare-t-elle. «Les familles des disparus ont le droit de connaître la vérité sur le sort de leurs proches et aucune loi inique ni mesure de répression ne les feront renoncer à ce droit», affirme encore les membres du CFDA.