C'est devant un public nombreux et connaisseur que Beihdja Rahal a parlé avec passion de l'enregistrement des noubas qu'elle a entamé depuis dix ans. Au début, confie-t-elle, elle pensait réaliser deux ou trois noubas, mais au fur et à mesure, elle y a pris goût en entamant un travail plus approfondi. Ainsi, après avoir boucler la boucle des douze noubas, la musicologue s'est lancée dans l'enregistrement d'une deuxième série de douze modes, dont son dernier produit « Rasd » est le deuxième titre. Beihdja Rahal a abordé le thème des difficultés rencontrées dans l'enregistrement de ses produits, lesquels sont transmis oralement, donc sujet à des déperditions. Les noubas, dit-elle, doivent être reprises telles quelles « On travaille sur un patrimoine qui existe. Les musiciens se doivent de respecter l'authenticité de la nouba dans toutes ses étapes d'enregistrement et d'interprétation. Je suis interprète, je ne fais pas d'arrangement et ne crée pas. Je fais un travail de sauvegarde. Il faut que chacun de nous se sente responsable et se dise qu'il ne doit rien changer à la nouba. » Selon l'oratrice, tous les gens qui se lancent dans l'enregistrement des noubas ne font pas toujours de la composition, ni de la création, ils essayent tout simplement de retrouver des morceaux qui existent au niveau des familles des artistes disparus ou même des mélomanes qui ont gardé des enregistrements faits lors des fêtes familiales. Concernant le titre de son dernier-né, la musicologue rappelle que la nouba est inspirée de la musique persane et que le mot « Rasd » est synonyme de « régulière » ou « normale ». Elle rappellera aux profanes que dans son enregistrement, il y a cinq modes : la « touchia », un « mcedder », un « btaihi », un « derdj », un « nesraf » et un « khlass ». Dans la nouba « Rasd », elle confie que l'« istikhbar », le « neqlab » et la « touchia » ont été remplacés par ceux de « Raml el maya ». Quelquefois, on trouve un mode moins riche comme par exemple les noubas « Rasd » et « Mezmoum », et d'autres assez riches, à l'instar de « Rasd el maya »et « Lahcine », explique-t-elle. La spécialiste a révélé qu'avant de passer à l'enregistrement d'une nouba, il faut se pencher sur la sélection et l'authenticité des morceaux. Une sélection qui demande du temps. En aparté, Beihdja Rahal explique que cela ne sert à rien d'enregistrer les mêmes morceaux. Ainsi, pour son dernier travail, elle avoue que c'est grâce au maître Mohamed Khaznadji qu'elle a pu avoir certains morceaux inédits, dont un « M'saddr : yâ badr al-budûr » et un « insiraf : al-fadjru qâl ». Beihdja Rahal conclut son intervention en rendant hommage aux associations musicales qui participent à la sauvegarde du patrimoine. La soirée s'est achevée par l'interprétation de quelques morceaux musicaux où plus d'un a pu mesurer la voix cristalline de cet artiste hors pair. Il est à noter, par ailleurs, que l'artiste se produira le 6 décembre prochain à Strasbourg, le 22 novembre en Belgique, le 3 février à Toulouse et le 3 mars 2006 à l'Institut du monde arabe.