Le DG de l'ENTV vient d'annoncer la création de cinq chaînes télé « thématiques », ce qui porterait le nombre de chaînes publiques à huit. Comme le sponsoring sur lequel table Hamraoui Habib Chawki est forcément limité, ce sera au Trésor public et au contribuable d'apporter l'essentiel du financement. Des milliards de dinars donc à débourser par l'Etat pour des projets dont la viabilité est hasardeuse, en raison de l'extrême faiblesse de la production nationale, laquelle n'arrive même pas à satisfaire les besoins des trois chaînes existantes que sont Algerian TV, Canal Algérie et A3, qui se ressemblent comme « trois » gouttes d'eau, diffusant pratiquement les mêmes rares programmes, dont la faiblesse de contenu est criante, à quelques exceptions près. En réalité, une seule chaîne existe juridiquement, les autres n'étant que des excroissances, créées en large partie pour répondre à un besoin politique. Il est fort à parier que c'est toujours ce besoin politique qui sous-tend le projet de rajout des cinq autres télés au paysage audiovisuel national, déjà entièrement contrôlé par l'Etat qui en fait l'usage qu'il entend, notamment en matière informative. Le cahier de charges qui lie la télévision au gouvernement ne fixe pas une mission première et stratégique de service public, à l'image de celle assumée par la BBC ou le groupe France Télévision : il lui impose d'être tout simplement un instrument au service de l'autorité politique. Celle-ci n'a pas échappé à la tentation d'en faire un usage démesuré, au risque de faire sombrer souvent le petit écran dans la dérive propagandiste la plus totale, se coupant de la société qu'il est censé servir par une information juste et équilibrée. Les rares moments où la télévision a joué son rôle sont précisément ceux marqués par le dégel politique, comme après la révolte d'octobre 1988 : le « printemps démocratique » qui avait soufflé dans le pays n'avait pas manqué d'aérer l'auguste immeuble du boulevard des Martyrs. En fuyant comme la peste le débat sur l'ouverture au privé de l'audiovisuel - réglé dans la plupart des pays dans le monde, y compris chez nos voisins, tous sans illusions dans un monde dominé par les images venues du ciel -, les gouvernants algériens montrent qu'ils sont hors du temps et qu'ils n'ont pas évolué d'un iota en matière de pensée unique.