Comme Nacer Mehal, ministre de la Communication, est issu du monde de la presse et qu'il est nouveau dans le gouvernement, il n'y a, pour l'heure, aucune raison de douter de la sincérité de sa colère contre le contenu antiprofessionnel et médiocre de la télévision algérienne. Ni même d'être réticent sur sa volonté de donner un coup de pied dans la fourmilière pour que les choses changent. C'est étonnant – et agréable en même temps – d'entendre en direct, au journal de 20 heures, un ministre verser dans le mea culpa avec, en prime, des excuses au téléspectateur. Ce dernier n'a-t-il pas toujours été traité avec un royal mépris par tous les gouvernants ? Nacer Mehal donne l'impression d'avoir reçu le feu vert du président de la République pour s'attaquer à cette forteresse qu'aucun régime, depuis l'indépendance, n'a pu — ou voulu — prendre d'assaut, sauf durant la courte période du passage au multipartisme à la faveur de l'exceptionnel contexte historique du «printemps démocratique». Cantonner ce média dans un rôle de pure propagande a toujours arrangé les affaires des hauts responsables qui lui ont confectionné un statut sur mesure, nommant à sa tête les hommes qu'il fallait pour se plier aux ordres. Les injonctions venaient généralement de la présidence de la République et des différents services, la vraie tutelle, bicéphale. Qu'est-ce qui aurait donc motivé le chef de l'Etat à faire réformer l'Unique par son ministre de la Communication, si telle a été son intention ? Pour que le petit écran rende plus crédible le message du Pouvoir qui, aujourd'hui, n'est plus reçu, compris et admis par les téléspectateurs qui, désinformés, ont déserté l'ENTV au profit des télés étrangères émettant par satellites. Même les programmes de divertissement n'ont pas échappé à la descente aux enfers, la goutte ayant fait déborder le vase étant le contenu de la grille des programmes du dernier Ramadhan. L'impitoyable censure à laquelle l'entreprise est soumise a fini par devenir contre-productive et desservir dangereusement l'autorité politique. Et puis, autre calcul du chef de l'Etat, une dose de crédibilité couperait l'herbe sous le pied à tous ceux qui, de plus en plus nombreux — pas seulement au niveau de l'opposition — réclament l'ouverture de l'audiovisuel au privé. Celle-ci, Bouteflika n'en a jamais voulu. Et elle n'est pas actuellement à l'ordre du jour, sinon il aurait chargé Nacer Mehal de l'évoquer et de la mettre en œuvre. Et c'est là le cœur du problème. Quels que soient les moyens mis en œuvre pour qu'elle se réforme, l'ENTV ne gagnera pas en crédibilité. Elle sera toujours confrontée à la fameuse ligne rouge fixée par le système. Tout au plus, cette ligne serait un peu reculée. Exigeant, le téléspectateur rejettera les demi-vérités. L'Unique ne pourra ni critiquer les puissants en poste ni répercuter les préoccupations de l'opposition politique. Le modèle BBC — une télévision publique de grande crédibilité — ne pourra pas s'appliquer à l'Algérie. La Grande-Bretagne est une très vieille démocratie où tous les pouvoirs s'équilibrent ; l'Algérie n'est qu'une république autocratique.