Bien que ses bienfaits aient été loués par les instances dirigeantes du football en Algérie ainsi que par ses acteurs principaux, le professionnalisme reste néanmoins une expérience nouvelle avec tout ce que cela comporte comme difficultés d'adaptation et de résistances au changement. D'ailleurs ses premiers couacs commencent déjà à se faire entendre, la presse spécialisée se faisant l'écho des premières discordances entre anciens et nouveaux dirigeants dans certains clubs.Selon la Ligue nationale de football (LNF) au 30 août 2010, il y avait 32 clubs professionnels dont 16 en ligue 1 et autant en ligue 2 qui ont déposé respectivement 387 et 385 licences. Sur les 32, le nombre de clubs qui ont accepté d'ouvrir leur capital à des investisseurs privés se compte sur les doigts d'une seule main parmi lesquels les plus connu sont l'USMAlger et la JSMBéjaïa. Pour les autres, c'est plutôt le wait and see aussi bien du côté des clubs que des investisseurs potentiels. Pour expliquer cette situation, on met en cause d'un côté la crainte des dirigeants de clubs de concéder une partie de leurs acquis et de leur pouvoir en acceptant de céder une partie des actions du club à un partenaire externe. De l'autre, c'est le manque de volonté des investisseurs de s'impliquer dans un domaine ou la rentabilité n'est pas assurée, qui est avancé. On affirme, par ailleurs, que la mauvaise réputation que traîne le monde du football national en raison de certaines pratiques opaques et parfois illégales en matière de transaction financière et de gestion des comptes des clubs, lui porte préjudice. Jusque là, entre subventions étatiques accordées au gré des autorités locales et entre les sponsors, il n'y avait aucun moyen légal de savoir ce qui se faisait avec ces fonds. Les clubs étaient tenus de tenir une assemblée générale, mais n'étaient pas tenus de publier leur rapport financier, ce qui ouvrait les droits à tous les dépassements. Le professionnalisme et le cahier de charges qui l'accompagne a mis en place des conditions très fermes en ce qui concerne la gestion de l'aspect financier de ce qui est désormais appelé non plus des clubs mais des sociétés sportives commerciale. Des conditions de transparence rigoureuses Ainsi, l'arrêté n°39 du 1er juillet 2010 fixant le modèle du cahier des charges devant être souscrit par les sociétés et clubs sportifs professionnels stipule que ces derniers sont tenus d'assurer la tenue d'une comptabilité conformément aux lois et règlements en vigueur, de régler toute opération financière par chèque ou virement et de rendre compte auprès des instances financières de la Fédérations algérienne de football (FAF), de la LNF et du ministère de la Jeunesse et des Sports, des comptes et bilans dûment certifiés par un commissaire aux comptes agréé. Le club est également tenu de déclarer ses joueurs, de transmettre aux mêmes instances l'état des ressources perçues au titre du sponsoring, de la publicité, du mécénat, des dons et legs ainsi que les livres d'inventaire et registres légaux exigibles par le code de commerce. De nouvelles conditions qui tranchent avec le laisser aller qui prévalait jusque là où des transferts de joueurs monnayaient à des centaines de millions de centimes étaient payés par cash et que pour payer en devises les entraîneurs étrangers, il fallait les acheter au marché parallèle. La nouvelle donne devrait a priori rassurer les investisseurs étrangers, encore faut-il qu'ils soient intéressés, car comme nous l'explique Nacer Gasmi, docteur et enseignant en management stratégique à l'université de Dijon, pour qu'une entreprise décide d'investir dans un club de foot, elle doit prendre en compte deux éléments. D'abord, pour cette entreprise «il s'agira d'une opération de développement qui l'amènera à s'interroger sur la logique stratégique derrière cette démarche, car on n'achète pas par plaisir, il y a une logique entrepreneuriale à suivre. Ensuite, dès qu'elle aura défini le projet stratégique, il faudra s'interroger sur la cible à choisir, la possibilité ou non de l'évaluer aussi bien sur le plan comptable que de l'image, avec qui négocier cette valeur et comment se comporter avec le management du club qui dans la majorité des cas est installé dans une position de rente». Ce sont des «éléments classiques dans toute opération d'acquisition d'entreprise qui prennent du temps. En temps normal, «une opération d'acquisition prend 3 ans». S'agissant du second élément à prendre en compte, M. Gasmi cite le fait que pour toute entreprise le souci est de pouvoir créer de la valeur, or «le club sportif crée très peu de valeur. Si on veut une croissance à deux chiffres, c'est impossible de l'obtenir dans un tel investissement car les perspectives en la matière sont limitées». En fait, le football reste une activité «aléatoire» et dans ce cas, la croissance dépend «des résultats du club, même si pour un investisseur il y a des retombées indirectes comme le développement de l'image et de la notoriété de son entreprise, ainsi qu'un important réseau relationnel». Encore faut-il que la cible (club) ait «un ancrage territoriale national». Parmi les entreprises privées qui ont pris le risque d'investir dans un club, figure l'une des plus importante dans le pays, à savoir ETRHB Haddad qui a pris le contrôle de l'USMAlger. D'autres groupes importants comme Cevital par exemple a choisi en revanche de ne pas s'impliquer et de se contenter de sponsoriser des équipes de football sans en acquérir des parts. Le PDG du groupe Issad Rebrab a expliqué dans la presse nationale que «les clubs ont besoin d'être aidés dans cette période de transition par les pouvoirs publics et par la Télévision nationale qui exploite les droits de retransmission des matchs de football». En attendant M. Rebrab et d'autres, les clubs devront relever plusieurs défis. Selon M. Gasmi, «ils sont aujourd'hui responsables de leurs actes. Ils ne peuvent plus être gouvernés comme avant. Du coup, il leur faudra avoir un système de management qui crée la performance, revoir la structure du pouvoir, la politique de communication et mettre en place des gens compétents». Il est clair, pour cet économiste que ça ne sera «pas facile parce qu'il s'agira de bousculer les enjeux du pouvoir et il y aura donc des résistances».