Photo : Riad Par Kamel Amghar One peut rien y changer, la vie est ainsi faite : il y a les «nègres» qui se risquent, se tapent le plus dur du boulot, et les «cols blancs» qui reçoivent les fleurs à leur place. Parfois, ils en recueillent même les fruits. Et, lorsque cela ne marche pas, pour une raison ou une autre, les premiers en font souvent les frais. Il faut bien trouver une «tête de turc» pour, soi-disant, remédier à ce qui ne tourne pas rond. Plus que pour tout autre métier, cette réalité colle parfaitement à la profession d'entraîneur de football. Précarité et non-respect du contrat de travail pour une immanquable «insuffisance de résultats» font partie intégrante de la vie quotidienne des coaches, couramment jetés en pâture pour réconcilier l'équipe avec son public qui exige naturellement trophées et prouesses techniques constamment renouvelées. Malgré une formation de plus en plus pointue et une longue expérience sur les terrains, le sélectionneur demeure une proie facile et une victime expiatoire qui saute comme un fusible aux premiers couacs. Cette vérité amère est d'autant plus concrète dans les compétitions où le mot professionnalisme est manifestement usurpé. Le Championnat national de football constitue à ce sujet un mauvais exemple de stabilité dans la mesure où «la valse des entraîneurs» est en passe de devenir une coutume locale qui fait les choux gras de la presse spécialisée. Rien que pour ce début de l'exercice 2008/2009, au moins six «drivers» de la Ligue 1 ont été déjà remerciés. On citera le Roumain Alexandru Moldovan, le Français Bernard Simondi, l'Irakien Ameur Djamil, et les nationaux Belhout, Bouarata et Drid. Il faut dire que l'encadrement administratif et les cercles dirigeants du mouvement sportif national manquent terriblement de l'éthique professionnelle indispensable à la gestion des humeurs exécrables des athlètes et des réactions épidermiques des supporters. L'arrivée récente des entraîneurs étrangers dans le Championnat national a révélé tout le fossé qui nous sépare du haut niveau. Les techniciens étrangers, notamment européens, débarquent avec une rigueur disciplinaire et des méthodes de travail très strictes qui ne s'accordent pas du tout avec la mentalité locale faite de bricolage, de calculs de leadership et de sympathies extra-sportives. Excédé par le comportement franchement indécent de son gardien de but, l'ex-entraîneur de la JSK, Alexandru Moldovan, s'est résigné à la démission devant le silence «complice» du boss canari. Chaouchi, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a effrontément voulu imposer ses propres règles à son entraîneur au vu et au su de tous. «C'est Moldovan ou moi !» s'est-il emporté face à son employeur. Il faut souligner que les instances dirigeantes du club kabyle cumulaient déjà les précédents similaires. René Taleman, Jean-Yves Chay et Moussa Saïb, pour ne citer que ces trois-là, avaient déjà jeté l'éponge pour des histoires de ce genre. Il y a quelques années, le Portugais Enrico Gomez, auteur d'un bref mais néanmoins historique parcours, quittait le banc de la JSMB suite à une rébellion des «cadres». Harouni et Benzekri avaient été déjà remerciés pour s'être opposés à ces cas flagrants d'indiscipline. L'Entente de Sétif vient de se séparer de la même manière de son coach, le Corse Bernard Simondi, même si son bref passage à la barre des Aigles noirs d'Aïn Fouara est à plus d'un titre honorable. En guise de lettre de limogeage, le président Serrar lui a conseillé dans un courrier de ne plus se présenter aux entraînements car, est-il écrit, «[il] risque de se faire agressé par certains supporters qui réclament son départ». Curieuse façon de rompre un contrat ! Mais, de tous les clubs algériens, le doyen, le MC Alger, reste celui qui a rompu le plus de «mariages mixtes». L'Italien Enrico Fabbro, le Belge Jean Thyssen, les Français Michel Ranquin et Robert Nouzaret, entre autres, n'ont pas fait long feu parmi les Chnaouas. De leur aventure algérienne, tant d'autres techniciens gardent des souvenirs peu reluisants. Le Bulgare Zetchev, le Suisse Zermatten, le «Marseillais» François Bracci, l'Argentin Oscar Fullone, le Français Alain Michel et d'autres encore ont tous rencontré d'insistantes résistances et des difficultés parfois insurmontables pour mettre leurs plans en application. Même en équipe nationale, le sélectionneur étranger a beaucoup de mal à se maintenir en poste. Les Belges Georges Leekens et Robert Waseige, ainsi que le Français Jean-Michel Cavalli en savent un bout. Cette instabilité aux commandes se solde, bien entendu, par des échecs et des errements qui coûtent cher. S'il est vrai que la «valse des entraîneurs» n'explique pas tous les déboires du football national, elle révèle, en revanche, la mauvaise gestion et les défaillances des staffs dirigeants qui succombent facilement aux «chants des sirènes». Cette incompatibilité entre les coaches étrangers et leurs «employeurs» locaux illustre le populisme et les manipulations des «apparatchiks» du football qui président aux destinées de la quasi-majorité des ligues et des formations locales. La véritable refonte du football, et du système sportif en général, doit commencer à ce niveau. Il appartient aux «présidents» d'instaurer un code d'éthique ou une charte professionnelle pour séparer les pouvoirs et situer les responsabilités de tout un chacun. La carrière d'un entraîneur -comme celle d'un athlète, d'ailleurs- ne peut dépendre indéfiniment de l'humeur d'un «affairiste» qui, hélas, n'a pas nécessairement de compétences en la matière.