Détenu depuis le 14 avril 2002 à la prison de Soto Del Réal, à Madrid, en Espagne, Ahmed Brahim attend désespérément un procès pour être délivré de cette situation tragique. Son histoire est un drame dont souffrent tous les membres de sa famille éparpillés entre la France, l'Algérie et l'Espagne. Dans une longue lettre adressée aux autorités algériennes, son épouse revient sur l'histoire d'une incarcération troublante d'un homme complètement isolé du monde dans une cellule des prisons espagnoles durant presque quatre ans. Arrivé en Espagne au début des années 1990, Ahmed Brahim, âgé aujourd'hui de 60 ans, a travaillé avec plusieurs sociétés suédoises, Alimak, ABM, Tremix, Bahco spécialisées dans les travaux d'équipement de construction avant de décrocher un poste de responsable de marketing avec les pays arabes. C'est ainsi qu'il a pu bénéficier de grands projets de construction qui lui ont permis d'acquérir de nombreux biens en Espagne et en Suède. Sa parfaite connaissance de l'outil informatique le pousse à réaliser, en 1997, un rêve qu'il a toujours caressé. Le lancement d'un site Web pour faire connaître l'Islam dans plusieurs langues. Plusieurs personnes de France, de Suède, d'Espagne et d'Arabie Saoudite prennent attache avec lui pour lui proposer leur contribution au projet. Il est appelé également à faire de nombreux déplacements pour rencontrer d'éventuels collaborateurs et mettre en place techniquement son projet. Début 2000, il est sollicité par les responsables de la mosquée du Prophète à Médine, en Arabie Saoudite, pour mettre sous forme de textes et audio les 120 000 enregistrements sur cassettes audio de 90 minutes qu'ils détiennent. En 2001, il achète les équipements nécessaires auprès de la société Telex Germany. Pour tester ces machines, un lot de cassettes audio est alors transféré de la mosquée de Médine vers l'Espagne pour lesquelles Ahmed Brahim s'est acquitté des droits et taxes douaniers. Après avoir noté les essais concluants, il contacta la société IT4U Sweeden, lui demandant de construire un système pour la réalisation du projet. Ce qui a été fait et le matériel transféré vers Barcelone pour être regroupé avec les équipements de Telex Germany avant d'être envoyé à Médine. Le financement de ce projet a coûté 630 000 SEK (couronnes suédoises). Entre les 15 et 16 septembre, M. Brahim expédie l'équipement à Médine avant de le rejoindre pour faire le montage qu'il n'a pu terminer faute de certaines pièces techniques nécessaires. Entre temps, Interpol diffuse une fiche l'accusant d'être en relation avec les réseaux islamistes. La Guardia Civil (gendarmerie espagnole) introduit une demande auprès de l'Audiencia national (tribunal de grande instance) de mise du téléphone du domicile de Ahmed Brahim sur écoute. « Le juge transmet la demande au procureur qui était au début réticent, du fait qu'il n'y avait aucune preuve justifiant une telle procédure, mais qui a fini par donner son accord. » Le 3 octobre 2001, la Guardia Civil revient à la charge pour mettre le téléphone portable d'Ahmed Brahim sur écoute. « Le 24 octobre 2001, les services espagnols font état, dans le dossier, d'instructions qu'ils auraient reçues d'Arabie Saoudite. Motif évoqué pour lui bloquer son compte bancaire au Luxembourg. Dans cette ville, le procureur lui confirme que la décision a été prise à la suite du document transmis par la Guardia Civil espagnole. Mais à ce jour, son avocat n'a pu retrouver ce document. » Une commission rogatoire a pourtant démenti ses liens avec les réseaux Al Qaîda en Arabie Saoudite, puisqu'elle a fait état plutôt de relations « avec le cheikh Slimane Obeib et Mahmoud Mahdi, des personnalités respectables et n'ayant aucun lien avec les groupes islamistes ». Les autres commissions rogatoires des Etats-Unis, d'Allemagne, de France, de Suède, de Norvège, de Grande-Bretagne n'ont, à aucun moment, fait part de relations de Ahmed Brahim avec le terrorisme. En Avril 2002, lorsqu'une nouvelle demande de prolongation d'écoute est introduite, le procureur refuse du fait de l'absence de preuves. La Guardia Civil demande alors à un autre procureur une autorisation de perquisition dans le domicile de Ahmed Brahim et son arrestation en évoquant « une fuite éventuelle vers l'Arabie Saoudite ». Ahmed Brahim est alors arrêté le 13 avril 2002. Les indices sur lesquels reposent cette décision sont « ses présumés contacts avec Salim et l'existence d'un document qui appelle à la guerre sainte et à la violence ». Pour le premier indice, l'avocat de Ahmed Brahim explique que Salim a été extradé d'Allemagne vers les Etats-Unis après les attentats contre les ambassades US au Kenya et en Tanzanie. « Après trois ans de détention, les Américains ont renoncé aux charges initiales retenues contre lui, mais le poursuivent pour avoir blessé à l'œil un gardien avec une brosse à dents. C'est ce qui ressort du document transmis par les Américains aux Allemands et qui constitue pour nous une preuve de l'innocence de Ahmed Brahim. Pour ce qui est du document faisant l'apologie du terrorisme, il a été téléchargé d'un site Web et contient un verset du Coran qui contient le terme djihad. Un terme qui a plusieurs sens. Il est inconcevable de le rendre synonyme de violence. » Sur la base de cette argumentation, l'avocat de Ahmed Brahim a introduit un recours, lequel a été rejeté pour trois raisons. Un recours a été introduit auprès du tribunal supérieur d'autant que l'argumentation du premier rejet ne repose sur aucune preuve ou indice de culpabilité. La famille de Ahmed Brahim a saisi l'ambassade d'Algérie en Espagne, mais également la commission nationale des droits de l'homme, présidée par Farouk Ksentini, pour dénoncer ce qu'elle a qualifié de « déni de droit » et réclamer un procès. Contactée, l'ambassade d'Espagne à Alger a refusé tout commentaire sur le sujet, estimant que « l'affaire concerne Madrid et l'ambassade d'Algérie ».