La visite de Dmitri Medvedev à Alger est la deuxième d'un président russe en moins de quatre ans. En dix ans, les présidents des deux pays se sont rencontrés quatre fois. Le successeur de Vladmir Poutine a bien pris le soin de souligner à Alger que la Déclaration de partenariat stratégique, signée à Moscou en 2001, est la première établie par la Russie avec un pays arabe. Les deux Etats se sont engagés, dans la déclaration commune publiée mercredi soir à Alger, à élargir leur coopération à tous les domaines. «Les deux pays déclarent une nouvelle fois leur attachement à renforcer leurs relations bilatérales et à approfondir leur concertation politique dans un esprit marqué par l'amitié historique, le respect mutuel et la volonté d'établir un partenariat mutuellement bénéfique fondé sur la complémentarité des économies et l'équilibre des intérêts», est-il souligné. Autrement dit, l'affaire dite des Mig défectueux, qui a jeté un certain froid sur les relations entre les deux pays, semble dépassée. Dmitri Medvedev s'est voulu rassurant sur la coopération militaire avec l'Algérie. «Toute coopération militaro-technique requiert nécessairement la confiance, et la coopération qui lie actuellement la Russie et l'Algérie est précisément fondée sur la confiance. Cette coopération se poursuit depuis des dizaines d'années et se distingue par des montants substantiels. Nous sommes satisfaits de son développement», a déclaré le chef de l'Etat russe. S'il n'existe aucune information ouverte sur «les montants substantiels», les deux pays ont réitéré, dans la déclaration commune, de renforcer «les liens traditionnels de coopération militaire». L'industrie militaire russe continuera donc à être la principale pourvoyeuse de l'armée algérienne en armement. Ce choix stratégique n'est pas remis en cause. La Russie commencera les livraisons de chasseurs Su-30 et d'avions-écoles YAK-130 à l'Algérie en 2011. «Ce n'est pas un secret militaire», a tenu à dire, à l'agence Ria Novosti, le vice-directeur du Service fédéral pour la coopération militaire, Viatcheslav Dzirkaln. Les sous-marins russes Kilo, propriété de la marine algérienne, seront modernisés sur les chantiers navals russes. Sécurité énergétique Au volet transport, l'Algérie est intéressée par l'achat d'une quarantaine d'avions An-140, des court-courriers de 20 et 40 places. Les représentants de la compagnie aéronautique unifiée russe (OAK) négocient ce contrat à la faveur de la tenue du premier Forum des hommes d'affaires algéro-russes à Alger. Les négociations semblent encore difficiles. Par contre, le nouvel accord maritime signé hier à Alger supprime les visas pour les marins des deux pays. «Cet accord ouvre les ports russe et algérien aux navires des deux pays et instaure un régime sans visa pour les équipage. Cela aide à réduire le coût de transport du fret», a annoncé Igor Levitine, ministre russe des Transports. Moscou a également décidé d'autoriser les avions d'Air Algérie à survoler le territoire russe par le couloir transsibérien. Cela pourrait accélérer l'ouverture de la ligne Alger-Téhéran via Moscou. Selon Igor Levitine, le transport de marchandises entre les deux pays a augmenté de 30% au cours des premiers mois de l'année 2010. L'Algérie et la Russie, principaux fournisseurs de l'Europe en gaz naturel, ne sont pas insensibles aux questions liées à la sécurité énergétiques. «Les parties expriment leur désir d'approfondir le dialogue sur une base régulière en vue de coordonner leurs actions dans le domaine de l'énergie, en tenant compte de l'impératif de défendre leurs intérêts respectifs et de la nécessité d'intégrer ceux des autres acteurs du marché de l'énergie, producteurs, consommateurs et pays de transit des hydrocarbures», est-il relevé dans la déclaration commune. Cela annonce donc une coordination plus grande dans le cadre du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) qui doit se réunir prochainement à Doha, au Qatar. Gazprom, qui a déjà des bureaux à Alger, entend reprendre de plus belle ses activités d'exploration et d'exploitation en Algérie après avoir été «bloqué» par l'ex-ministre de l'Energie, Chakib Khelil. Celui-ci avait annulé, sans explication, un accord signé en 2006. Alexeï Miller, PDG du géant russe, réputé proche de Dmitri Medvedev, est venu à Alger et a assisté à la signature d'un important mémorandum d'entente énergétique. Il a annoncé, repris par la presse russe, l'intérêt de Gazprom pour l'achat des actifs algériens de BP. «Si les actifs sont offerts par la partie algérienne, nous examinerons cette possibilité», a-t-il dit. Les pertes induites par la lutte contre la marée noire du golfe du Mexique obligent BP à chercher des liquidités par tous les moyens. Le ministre russe de l'Energie Sergueï Chamtko a, selon Ria Novosti, fait savoir que TNK-BP (entreprise pétrolière russo-britannique) pouvait proposer à la société nationale algérienne Sonatrach un échange d'actifs en vue d'acquérir les parts de BP en Algérie. Alger et Moscou entendent également relancer un accord sur l'utilisation civile de l'énergie nucléaire. Intérêt pour l'uranium Les russes s'intéressent à l'exploitation des gisements d'uranium du Sud algérien. La Russie se dite prête à aider l'Algérie à bâtir une industrie spatiale. Cela est résumé en quelques mots dans la déclaration commune : «L'exploitation de l'espace à des fins pacifiques.» Ordre a été donné aux chefs des grands groupes industriels russes de soutenir l'effort de transfert de haute technologie aux entreprises algériennes. «Les parties encourageront davantage le développement des liens de coopération dans le domaine de la science et de la formation, y compris à travers les échanges des bourses d'études», est-il encore relevé dans la même déclaration. Sur le plan international, Alger et Moscou préviennent contre «la militarisation de l'espace extra-atmosphérique» et appellent Israël à adhérer au Traité d'interdiction totale des essais nucléaires (CTBT) et insistent «une nouvelle fois» sur la lutte contre «le trafic illicite des matières nucléaires». Les deux capitales qualifient de nécessaire la réforme de l'ONU et appellent à un élargissement du Conseil de sécurité «sur une base équitable et démocratique, en tenant compte notamment des données économiques, démographiques et géographiques et en veillant à une meilleure représentation de l'Asie et de l'Afrique».