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Immigration clandestine
Publié dans El Watan le 02 - 11 - 2005

La loi Sarkozy sur l'immigration, celle de monsieur de Villepin sur l'asile, les décisions européennes elles-mêmes avaient produit récemment leurs effets délétères : la chasse aux étrangers est ouverte. Monsieur de Villepin vient de le rappeler avec force.
Voici qu'il faudrait créer une « police des étrangers », étendre le fichier des certificats d'accueil au niveau national et s'arroger le droit de contrôler les mariages contractés à l'étranger entre français et étranger. Monsieur de Villepin montre ses muscles, ceux que monsieur Sarkozy lui a laissés en héritage. Comme si, ce qui se passe actuellement ne suffit pas. On arrête les enfants en classe, on menace les parents de placer leurs enfants dans les services sociaux, on utilise même les enfants comme appâts pour mieux appréhender les parents ! Les mineurs isolés, lorsqu'ils ont eu la chance de franchir les barrières des frontières en échappant à de pseudos examens médicaux destinés à prouver qu'ils sont en fait majeurs, restent en situation précaire jusqu'après les modifications législatives françaises intervenues. Ils ne peuvent plus rester en France s'ils sont entrés après 15 ans. Quant à la double peine, cette honte stupide, soi-disant abolie, refleurit quotidiennement grâce aux nouveaux pouvoirs des préfectures de retirer dans le plus grand arbitraire les cartes de séjour. Sans même s'attarder sur le sort des quelques milliers d'anciennes victimes de la double peine qui se heurtent au refus des préfectures et des consulats d'appliquer la loi. Partir en France, légalement s'entend, relève du tour de force face à l'arbitraire des consulats. S'y soigner, même lorsque c'est en vertu des accords entre organismes de sécurité sociale, relève de la gageure en raison de l'omniscience médicale des préfectures qui n'hésitent pas à contredire les praticiens hospitaliers. Que dire de ceux et celles qui sont en situation irrégulière et qui ne bénéficient que d'une sous-prise en charge, repoussée dans le temps, si leur pronostic vital n'est pas engagé. A quelle phase du cancer ou de la tuberculose, va-t-on juger que leur vie est en danger ? Et il faudrait décréter la « partie en danger » parce que, selon des chiffres incertains, de 200 000 à 400 000 étrangers guetteraient le moment de se jeter sur le gâteau des avantages sociaux français... Il est vrai que, pour le moment, la plupart d'entre eux ne connaissent que la précarité sous toutes ses formes : celle des logements poubelle où l'on peut mourir dans les flammes ou dépérir sous les assauts du saturnisme... Celle des travaux au noir peu payés est toujours sous la menace d'un employeur qui exploite sans vergogne ces nouveaux soutiers sous l'œil complaisant des pouvoirs publics (français). Les projets de monsieur de Villepin, qui n'hésite pas à en appeler à la jalousie des Français qui en « auraient assez » de ces illégaux, provoquent la nausée. A ce mépris humain, s'ajoute le mensonge le plus éhonté. Fermeté disent-ils ? Mais de quoi s'agit-il ? Monsieur Sarkozy avaient promis aux Français des « charters européens » : passées quelques expériences où la violence et l'incompétence juridique ont conduit à des situations calamiteuses, on s'est arrêté là. 20 000 reconduites par an et plus si l'on en croit les annonces de monsieur de Villepin. La politique de « fermeté » n'est, en réalité, qu'une politique faite d'annonces et d'impuissances mais aux conséquences désastreuses pour les sans-papiers, pour les étrangers devenus tous suspect et même pour les Français qui en subissent les ricochets. Jamais l'on n'avait vu une politique aussi radicalement dirigée contre les étrangers être mise en application. Il y a de la haine et du mensonge dans cette volonté de traquer l'étranger. Pis, si l'on en croit la presse et les documents qui s'évadent du parti socialiste, voici que le responsable de ce parti chargé de l'immigration propose d'abolir la double nationalité, de remettre en cause le droit au regroupement familial, de recourir aux quotas et de créer des cartes de séjour « bleu, blanc, rouge » qui conféreraient des droits à géométrie variable. Sans même d'ailleurs prendre conscience que cette stigmatisation des étrangers entraîne, inévitablement, les mêmes réactions à l'égard de ceux qui bien que de nationalité française ont le malheur de « ressembler » aux étrangers... Il est plus que temps de réagir, de recréer un espace politique autour des étrangers et de manifester fermement un refus pour un tel rejet. Recourir à la force, dans une sorte de guerre permanente enviée contre les étrangers, ne résoudra rien. Bien sûr, nul ne détient de solutions miracles. Les dérèglements mondiaux, qui conduisent au départ ceux qui ne veulent pas mourir sur place, ne se résoudront pas en un seul jour. Mais, il est au moins quelques évidences que l'on doit rappeler. Il est invraisemblable de croire ou de laisser croire que les marchandises, l'argent et la culture peuvent voyager librement et que ceux et celles qui sont à l'origine de tout cela restent assignés à résidence. L'exemple des ressortissants de pays d'Afrique subsaharienne en situation irrégulière, notamment autour des enclaves de Ceuta et Melila, qui avait donné lieu à la mort de plusieurs personnes, devait provoquer un réel débat en France et en Europe sur la politique d'immigration. La France, comme l'Europe, ne peut dessiner aucun projet sur la scène mondiale si la politique menée tend à les constituer en forteresse assiégée par des hordes barbares prêtes à les envahir. N'est-il pas grotesque pour un pays civilisé comme l'Espagne que de vouloir construire une 3e barrière pour 26 millions d'euros, autour de Ceuta et Melila qui consiste en un dense maillage de tiges d'acier destiné à freiner le passage des immigrés clandestins et donner le temps aux gardes civils d'intervenir en cas de tentative d'assaut ? On ne peut en permanence tenir le discours de l'aide à une Afrique en panne ou celui de la solidarité en général et avoir, dans la pratique, l'attitude exactement inverse. Que veut l'Europe opulente si ce n'est sauvegarder sa richesse ? L'abîme séparant les pays riches des pays pauvres est plus profond que jamais. La société de consommation, l'opulence de l'occident, le mythe de la démocratie ont opéré une fascination sans égale sur les pauvres du Tiers-Monde. Dans les pays ex-communistes, des milliers de personnes ont leurs valises déjà faites, en attendant un semblant d'espoir, pour venir à l'Europe riche. Si l'immigration était dans le passé, une épreuve initiatique qui faisait l'humanisme de l'homme, et lui permettait de passer d'un Etat de dénuement à un Etat d'enrichissement, elle est devenue actuellement une antichambre de la mort, réelle ou métaphorique. Le préposé à l'immigration est un préposé à la mort. Chassé par le manque et la disette, jeté dans les bras de l'aventure, il immigre, n'emportant avec lui qu'un mince rayon d'espoir et un sursaut de dignité. Au-delà des objectifs de la déclaration de Barcelone, qui vise à établir une coopération plus étroite sur l'immigration tout en invitant à promouvoir le dialogue entre les cultures et les religions avec une recherche de nouvelles formes de relations entre les personnes, les peuples et les Etats de la Méditerranée, dans un climat caractérisé par la réciprocité et le respect mutuel des différences et des points de vue communs ou divergents, tout en luttant résolument contre les phénomènes racistes et xénophobes. A nous de savoir si nous voulons que notre avenir commun repose sur la haine de l'autre et l'inévitable barbarie qui s'en suivra. Ou si nous voulons construire une Méditerranée, une Méditerranée de rassemblement et de rencontre. Rencontre entre des pays industrialisés et des pays du Tiers-Monde, entre Nord et Sud ; rencontre aussi entre Occident et Orient ; rencontre entre traditions chrétiennes, musulmanes et juives. Oui, c'est justement cela qui est passionnant dans cette grande aventure : entre tous ces peuples qui, au cours de l'histoire lointaine ou récente, se sont constamment affrontés, offrir l'opportunité d'une convergence. Changer la politique d'immigration en est une des conditions.
(*) L'auteur est Docteur en économie industrielle, Aïn Defla.


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