L'Algérie a le taux d'épargne le plus élevé de la région (au-delà des 50%). Est-ce un taux normal pour une économie comme la nôtre et à quoi est-il dû ? Un taux d'épargne élevé n'est pas un élément négatif en soi. De surcroît, dans la conjoncture macroéconomique actuelle, une faible épargne n'aurait pas été soutenable compte tenu de la part importante de l'importation dans nos consommations. La problématique se situe plutôt dans l'utilisation de cette épargne. Aujourd'hui, nous avons la perception que cette épargne importante contribue à alimenter l'inflation du foncier et de l'immobilier. Pourquoi? Tout simplement car le foncier et l'immobilier est un des rares produits de placement disponibles. Cette inflation du foncier et de l'immobilier pénalise de façon évidente l'investissement dans la production et mine notre compétitivité car elle augmente le coût de l'investissement. C'est pour cela que la poursuite du développement de nos marchés financiers est un élément crucial pour le développement sain de notre économie. D'une part, nous avons besoin de multiplier les sources de financement des entreprises. De l'autre, nous avons besoin d'offrir plus de produits de placement aux épargnants qui autrement continueront à diriger leur épargne vers le foncier et contribueront à ainsi alimenter une inflation foncière pénalisante pour la rentabilité de l'investissement productif. -On fait souvent le lien entre la surliquidité des banques et les besoins importants en financement du secteur productif ? Est-ce une surliquidité réelle ou doit-elle être relativisée ? Il y a effectivement une surliquidité globale bancaire. Depuis plusieurs années, les banques n'ont pas besoin de se refinancer à la Banque d'Algérie et c'est plutôt la Banque d'Algérie qui offre des facilités de dépôt aux banques. Les besoins de financement des entreprises sont aussi importants. Ils ne peuvent, par contre, pas être financés uniquement par dette bancaire. Il y a un certain niveau d'endettement qu'il n'est pas sain de dépasser tant pour les banques prêteuses que pour les emprunteurs car cela comporte des risques tant pour les dépôts des épargnants dans les banques que pour la survie des entreprises financées. C'est pour cela qu'il est nécessaire d'encourager aussi le financement par fonds propres notamment par le biais de fonds d'investissements et par l'ouverture du capital en Bourse. -L'épargne des ménages est peu mise à profit dans la participation à l'investissement. Qu'est-ce qui peut expliquer la réticence des ménages à placer leur argent? Je ne partage pas tout à fait votre point vue. Il est vrai que le taux de bancarisation pourrait être plus élevé, mais le niveau des dépôts bancaires montre que les banques ne manquent pas actuellement de liquidités. Elles ont plutôt des difficultés à les placer. Aussi, l'expérience a montré que les ménages ne sont pas réticents à placer leur épargne sur le marché obligataire lorsqu'on leur propose des produits de placement avec un bon rapport risque/rendement (ce qui est l'équivalent du rapport qualité/prix pour le consommateur). La plupart des emprunts obligataires ont connu une bonne participation du public qui a acheté les titres. Cela ne veut pas dire que les épargnants sont prêts à acheter tous les titres proposés à n'importe quel prix. Il est naturel pour un marché financier que certaines émissions fonctionnent moins bien que d'autres si les épargnants perçoivent qu'on leur propose un produit de placement trop cher (ou qui ne rapporte pas assez, compte tenu du risque que l'épargnant prend).Aussi, l'appel au marché pour son financement nécessite un certain niveau de bonne gouvernance pour rassurer les investisseurs. Nous avons travaillé à élaborer un code algérien de bonne gouvernance pour aider les entreprises qui désirent être plus attractives pour les investisseurs. -Le marché obligataire, qui est un des canaux d'absorption de l'investissement, semble ralentir (le nombre de visas accordé dans l'année par la Cosob a diminué au cours des 5 dernières années). Comment peut-on expliquer cela ? Il y a évidemment encore du potentiel de développement du marché obligataire, mais il faut aussi spécifier que le financement sur le marché obligataire, dans notre contexte de marché naissant, reste réservé à un nombre restreint d'entreprises à la qualité de crédit élevée. Ce marché continuera à se développer. La généralisation de la notation des titres obligataires serait un facteur favorisant sont développement car cela permettrait de favoriser la liquidité des titres. Nous pensons cependant que le défi des prochaines années consiste plus à développer les ouvertures de capital en Bourse.