La majorité des quotidiens français ont évoqué en long et en large les incidents survenus cette semaine dans la ville de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) après la mort de deux adolescents. Certains journaux ont réalisé des reportages dans les quartiers théâtre de violences et ont effectué des entretiens avec les proches concernés. Le journal Le Monde a rapporté dans son édition d'hier que la ville de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) a été le théâtre de violences urbaines, dans la nuit du jeudi à vendredi dernier, à la suite de la mort de deux jeunes garçons âgés de 14 et 16 ans, électrocutés après s'être réfugiés dans un transformateur pour échapper à la police. Un troisième jeune homme, également victime d'électrocution, a été hospitalisé et se trouve dans un état grave. Le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, devait, selon le journal, recevoir, lundi passé dans l'après-midi, les parents des deux adolescents morts. Mais ceux-ci ont refusé de rencontrer le ministre de l'Intérieur. Au cours d'une conférence de presse à la mosquée de Clichy-sous-Bois, Siyakah Traore, frère du jeune Bouna décédé, a déclaré : « En aucun cas, nous n'irons voir Sarkozy qui, pour nous, est incompétent, comme l'a montré son discours à la télé (sur TF1 dimanche soir) et la manière dont est menée l'enquête. » « Nous demandons le calme, nous demandons que justice soit faite, nous demandons que les CRS partent et nous demandons à être reçus par M. de Villepin. » De son côté, Amor Benna, le père du jeune Ziad, le deuxième mineur, décédé le jeudi 27 octobre, a également annoncé qu'il n'irait pas voir le ministre de l'Intérieur. Le journal a rapporté que le calme était revenu dans la ville, mais pour un laps de temps puisque dès l'annonce des premières condamnations de jeunes gens interpellés au cours des émeutes des jours précédents l'ambiance est redevenue électrique. Les émeutiers âgés de 20 à 27 ans ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Bobigny à huit mois de prison dont deux ferme. Dans une ambiance très tendue, les trois hommes - un Français, un Marocain en situation irrégulière et un demandeur d'asile politique originaire de Côte d'Ivoire - ont contesté avoir jeté des pierres ou des bouteilles contre les policiers. « Rentrez chez vous », hurlent en direction des jeunes émeutiers des adultes, dont beaucoup portent une longue barbe et la tenue traditionnelle. Ils tentent de canaliser les assaillants en dressant un cordon vite dépassé par la mobilité des petits groupes qui circulent entre les immeubles mal éclairés. Pour la cinquième nuit consécutive depuis la mort de deux mineurs de Clichy électrocutés, des pierres et des bouteilles fusent en direction des forces de l'ordre qui ripostent avec des gaz lacrymogènes. « Ne tirez pas. On va prendre des pierres avant vous », supplient les adultes devant les gendarmes. Le journal rappelle que l'épisode de la bombe lacrymogène qui a atteint, la veille, la salle de prière a accru la colère des manifestants. « Si ça avait été sur une synagogue, qu'est-ce qu'on aurait dit. Tout le monde aurait crié au scandale ! », s'indigne un habitant de Clichy d'une quarantaine d'années qui ne veut pas donner son nom. Il défend les jeunes émeutiers et critique le service d'ordre. un nouvel épisode du mal des cités Le quotidien Libération rapporte que la soirée de lundi à mardi à Clichy-sous-Bois a été moins chaude que les précédentes, mais on est encore loin d'un retour au calme. Pas d'émeutes à proprement parler, mais une série de caillassages et d'échauffourées sans véritable affrontement entre jeunes et forces de l'ordre. Douze personnes ont été arrêtées peu avant minuit pour destruction de biens, détention de substances incendiaires ou violences volontaires, selon la préfecture de Seine-Saint-Denis. Quelque 400 policiers ont quadrillé la ville une partie de la nuit. Vers 21h, un cocktail Molotov a été lancé en direction du PC des forces de police de Clichy. Dans le quartiers des Bosquets, près de la mosquée Bilal (où une grenade lacrymogène fut lancée la veille, semble-t-il, par les forces de l'ordre), une centaine de personnes faisaient face à une cinquantaine de CRS. Entre les deux, une vingtaine de « grands frères » tentant de jouer les médiateurs avec des affichettes réclamant « respect et justice pour nos enfants et notre culte ». La présence d'hommes en djellaba freine les velléités d'affrontement. Vers 23h30, la police disperse la foule à l'aide de quelques tirs de grenades lacrymogènes, sans plus. Dans le reste de la ville, onze voitures et trois conteneurs ont été incendiés par des petits groupes isolés. Le journal France Soir, tout en se référant à un article publié dans Le Nouvel Observateur, a expliqué que (...) la présence d'éléments extérieurs à Clichy-sous-Bois, comme le prouve l'arrivée, durant l'émeute, de véhicules étrangers au département, démontre une volonté, chaque fois que possible, de soustraire au contrôle social certaines zones de banlieue. Tout ceci correspond à l'expansion des mafias se nourrissant en particulier de l'économie de la drogue. Le rédacteur de l'article publié sur La Nouvelle République du Centre-Ouest rapport que le bilan est humainement inacceptable et socialement déplorable, mais n'omet pas de rappeler que « la police assure n'avoir pas poursuivi les jeunes victimes. Mais dans ces banlieues dures, n'est-elle pas souvent, par la force des choses, si agressive avec les jeunes que ceux-ci fuient à sa vue, même s'ils ont la conscience tranquille ? Quant aux jeunes, ne tombons pas dans l'angélisme. Ils développent dans ces cités un trafic souterrain dans lequel ni la police ni la justice ne doivent mettre leur nez. Les rapports sont toujours belliqueux et lorsqu'ils tournent mal, c'est l'occasion pour les jeunes caïds et leurs troupes de se défouler contre le système institutionnel en place (...) ». Mais, estime le journal, il est à craindre qu'il ne s'agisse là que d'un nouvel épisode du mal des cités dont quelques statistiques donnent une idée de la permanence et de l'importance : 9000 voitures de police ont été caillassées depuis le début de l'année ; 2432 véhicules de particuliers ont été incendiés en 2004 ; et l'an passé, 12 362 actes de violences urbaines ont été recensés. La marche silencieuse qui se déroulera ce matin à Clichy-sous-Bois, en hommage à Ziad et Banou, morts électrocutés, pourrait tout aussi bien être dédiée à la mémoire du père de famille tué sans raison à Epinay.