Pour la seconde fois, le procès en appel de l'ancien PDG de la Compagnie nationale algérienne de navigation (CNAN), Ali Koudil, et cinq de ses proches collaborateurs a été renvoyé au 24 novembre prochain. Prise après plus d'une heure de délibéré, cette décision était prévisible du fait que le tribunal criminel de la cour d'Alger, en charge du dossier, semblait chercher à tout prix un artifice pour justifier un autre report. Le président de l'audience, Omar Belkherchi, avait déjà pris connaissance du dossier, étant donné qu'il avait siégé à la chambre d'accusation, qui a examiné l'affaire. Ce qui constitue, affirment les avocats, une violation flagrante du code de procédure pénale, qui interdit à tout magistrat de juger une affaire qu'il a déjà eue à traiter tout au long de la procédure. Hier, dès l'ouverture du procès, le climat était quelque peu tendu. Avocats et familles des cinq accusés au box (le sixième comparait tout en étant en liberté) espéraient voir un autre magistrat à la place de Belkherchi. Mais cela n'a pas été le cas. Contre toute attente, c'est ce dernier qui devait diriger l'audience. Il commence par appeler Koudil, l'ancien PDG de la CNAN, lequel décline son identité et cite les noms de ses nouveaux avocats, dont maître Amara. Maîtres Brahimi et Bourayou, qu'il avait constitués au début, boycottent toujours les audiences du magistrat. «Je lis dans vos yeux» Puis, c'est au tour de Mohand Amokrane Amour de répondre aux questions du juge. Ce dernier lui demande s'il tient toujours à son avocat Khaled Bourayou, et l'accusé de lui répondre par l'affirmative. Avant même que le président ne lui en désigne un d'office, Me Meziane s'avance et annonce : «Je viens d'être constitué par sa famille.» Le juge se retourne vers Amour : «Etes-vous d'accord ?» L'accusé : «Oui, mais il lui faut du temps pour pouvoir prendre connaissance du dossier et plaider pour moi.» Une demande que le président prend au vol. Il se tourne vers les avocats et lance : «Y a-t-il d'autres remarques ?» Aucune réponse des avocats. Le magistrat fixe Me Ali Meziane qui lui fait face : «Alors Me Meziane, n'avez-vous rien à dire ?» L'avocat, un peu étonné, réplique : «Non, rien Monsieur le président.» Le juge : «Si, je le lis le contraire dans vos yeux.» L'avocat : «Puisque vous le lisez dans mes yeux, je vais vous le dire : le droit à la défense est consacré par la Constitution. Il est sacré. L'accusé est en droit de choisir l'avocat qu'il estime capable de le défendre et le tribunal est obligé de lui donner le temps nécessaire pour étudier le dossier…» Sur cette réponse, le président demande l'avis du ministère public, dont la position n'est pas en contradiction avec celle de l'avocat. Le tribunal s'est alors retiré pour délibérer. Plus d'une heure après, il revient et annonce ses décisions. La première concerne le report du procès au 24 novembre prochain. Inexpliquée, la seconde a traité la désignation d'un avocat d'office pour Amour. Pour bon nombre d'avocats, le renvoi de l'affaire au mercredi 24 novembre est en réalité une décision qui concerne le retrait de l'affaire de l'audience de Belkherchi, puisque le jour même, ce dernier avait une autre affaire à juger. Mais il n'est pas exclu que le magistrat soit retenu pour examiner le dossier CNAN, d'autant qu'hier, il n'avait pas l'air de vouloir lâcher du lest. A rappeler que les cinq accusés, Ali Koudil, ancien PDG, et ses quatre proches collaborateurs, Mohand Amokrane Amour, Kamel Ikhadadène, Salah Zaoui et Mustapha Debah, ont été condamnés par le tribunal criminel d'Alger à 15 années de réclusion pour leur responsabilité présumée du naufrage, dans la nuit du 13 au 14 novembre 2004, du navire Béchar et la mort de 16 membres de l'équipage, et celle de l'échouage du vraquier Batna, dans les eaux du port d'Alger.