L'Histoire, et plus particulièrement celle des relations algéro-françaises, est de nouveau d'actualité à quelques jours à peine de la commémoration des massacres du 17 Octobre 1961 à Paris. Le secrétaire d'Etat chargé de la Communauté à l'étranger, M. Benatallah, a déclaré, à partir de la capitale française où il doit présider les cérémonies du souvenir des massacres du 17 Octobre 1961, que «les valeurs de Novembre s'inscrivent dans la durée» et qu'«il serait vain d'espérer qu'elles s'éteindront au fil du temps. Ce sont des valeurs universelles». Le ministre algérien répond ainsi, à partir de Paris, aux propos choquants du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, tenus il y a quelques mois devant les députés français, dont quelques-uns se sont indignés qu'une centaine de leurs homologues algériens aient initié une proposition de loi à l'APN pour juger les crimes de la colonisation française en Algérie devant des tribunaux spéciaux. M. Kouchner, pour rassurer les députés français, n'avait rien trouvé de mieux à dire qu'il fallait être patient et que «la passion nationaliste» finirait par disparaître avec la génération de l'indépendance qui est encore au pouvoir. Ces propos du ministre français avaient suscité de vives réactions non seulement en Algérie, bien sûr, mais également en France, au sein des milieux de la gauche, comme cela avait été déjà lors de la campagne pour l'abrogation du fameux article 4 sur les bienfaits de la présence française en Outre Mer de la loi du 23 février 2005. Une mobilisation qui a poussé le président Chirac à intervenir pour demander la réécriture de l'article objet de controverse des deux rives de la Méditerranée. Cette «guerre des mémoires», comme l'appelle l'historien Benjamin Stora, est loin de prendre fin puisqu'à chaque événement rappelant cette période de l'histoire des relations algéro-françaises, celle de la présence coloniale, des plaies douloureuses sont rouvertes. Tout ou presque est prétexte à la poursuite de cette guerre des mémoires, jusqu'à la sortie du film de Rachid Bouchareb, "Hors la loi", en France le mois dernier, qui a suscité la colère des milieux pieds-noirs et nostalgiques de l'Algérie française, allant jusqu'à menacer de représailles afin de tenter d'empêcher la diffusion de ce film. Du côté algérien officiel et plus particulièrement au sein des milieux de la famille révolutionnaire, le malaise existe et les crispations réapparaissent à chaque fois que l'on évoque, en France, le massacre de Melouza ou tout simplement l'assassinat de Abane Ramdane, le massacre des harkis et bien d'autres sujets qui fâchent les gardiens du temple de l'histoire officielle algérienne. Certains diront que ce sont là les conséquences d'une Histoire mal assumée.