La cour d'appel de Paris a prononcé jeudi, contre toute attente, la relaxe au profit du général Schmitt, ancien chef d'état-major des armées françaises, dans le procès que lui a intenté la moudjahida Louisette Ighilahriz pour diffamation. Ainsi, contrairement au tribunal correctionnel de Paris qui avait condamné le général Schmitt le 10 octobre 2003 à verser un dinar symbolique de dommages - intérêts à Mme Ighilahriz, la cour d'appel a été plutôt clémente envers le général. Les faits remontent à mars 2002, quand, invité sur un plateau de télévision, Schmitt déclarait à propos du livre de Louisette sur la torture intitulé Algérienne et publié en mars 2001, qu'il était « un tissu d'affabulations et de contrevérités ». La moudjahida y révélait notamment qu'elle avait été torturée en 1957 pendant trois mois par « le capitaine Graziani, qui agissait sous les ordres du général Massu et du colonel Bigeard ». Des révélations qui avaient été jugées recevables par le tribunal de Paris, lequel a condamné le général. Mais, coup de théâtre, la cour d'appel de la même ville a jugé utile d'édulcorer les propos de Schmitt en lui accordant « le bénéficie de la bonne foi ». En décidant, au prix d'une acrobatie judiciaire, d'infirmer le jugement, la cour d'appel a donc préféré sauver le général quitte à faire l'impasse sur des vérités pourtant historiquement irréfragables. Pour cause, dans l'arrêt de la cour, dont El Watan détient une copie, des témoins, et non des moindres, qui ont défilé jeudi à la barre, ont appuyé le récit de Louisette Ighilahriz et ont enfoncé le général Schmitt et tous les autres officiers de l'armée française coupables de torture. C'est en substance ce qu'a plaidé la journaliste du quotidien Le Monde, Florence Beaugé, auteure de plusieurs enquêtes en Algérie qui a déclaré « être convaincue de la sincérité du récit de Louisette Ighilahriz ». Témoignages accablants de Deradji Ouhafi et Nordine Ferroukhi, recueillis à la barre du tribunal, accréditant on ne peut mieux les accusations de torture portées par la moudjahida. Le premier cité a en effet expliqué qu'il avait été lui-même torturé au Paradou (Hydra) et qu'il avait vu Louisette Ighilahriz « enfermée dans une sorte de “cagibi” et entendu des cris de douleur quand elle recevait la visite des militaires ». De son côté, Nordine Ferroukhi, également transféré alors au Paradou, témoigne avoir entendu « des cris de douleur et que, selon les paroles de certains militaires, les séances avaient été conduites par le capitaine Graziani ». Un fait que réfute le général Schmitt sous prétexte que le général Bigeard - qui ordonnait la torture - était, au moment des faits, en mission dans le Sud algérien. Un autre témoin, un Français cette fois. Yves Marie de la Monneraye, appelé à la barre, plaidera la cause de Louisette, affirmant qu'il arrivait au capitaine Graziani, « qui était membre du deuxième bureau » au sein de la division parachutiste, d'interroger des suspects. Néanmoins, l'argument « massue » a été fourni par le général... Massu lui-même, à son corps défendant. Dans un entretien au journal Le Monde, ce général commente ainsi le récit de Ighilahriz : « Peut-être que son récit est un peu excessif, mais il ne l'est pas nécessairement, et dans ce cas je regrette vivement... » Une telle pièce à conviction, voire une telle profession de foi, n'a paradoxalement pas pesé dans la balance de la cour parisienne qui a visiblement choisi son camp. Hier, Louisette Ighilahriz ne semblait pas étonnée du verdict de la cour d'appel de Paris, qu'elle a d'ailleurs qualifiée de « réactionnelle ». Infatigable et ne s'avouant jamais vaincue de ce combat qu'elle mène pour la mémoire et l'histoire, elle a décidé de faire appel.