La présence un peu partout de ces innocents ne semble inquiéter personne, pas même les instances chargées de leur protection l Pour dominer le monde, certains élisent domicile sur le prestigieux monument de la ville, l'arc de triomphe de Caracalla. Au fil des années, le phénomène des enfants abandonnés prend une ampleur inquiétante, qui devrait interpeller, les consciences et toutes les bonnes volontés afin d'arriver à installer une synergie des efforts, sans laquelle aucune solution de prise en charge réelle de cette frange ne peut être envisagée. Dans l'antique Théveste, ces enfants font hélas partie du décor. La présence un peu partout de ces innocents ne semble inquiéter personne, pas même les instances chargées de leur protection. On les trouve partout, dans le marché des fruits et légumes, les stations de bus et de taxis, devant les restaurants, les cafétérias et même dans les dépotoirs. Ils portent des habits sales, la plupart marchant pieds nus. Nul ne sait d'où ils viennent, ou ils vont et comment ils arrivent à survivre dans cette jungle, qui ne leur laisse aucune chance. Ils n'ont certainement pas de famille, l'on s'en doute. Mais ce n'est pas pour autant qu'ils sont d'emblée condamnés, rejetés et leur sort mis sous scellés. Beaucoup s'adonnent à des petits métiers, proposant des sachets en plastique sur la place du marché des fruits et légumes, à 3 DA l'unité. Ils se font surtout exploiter par des adultes perfides, qui sans remord les obligent à revendre des babioles et une fois le soir venu, les dépouillent des quelques sous qu'ils ont gagnés. Ils passent leur nuit à la belle étoile et se nourrissent des restes trouvés dans les poubelles. Pis encore, certains se droguent en « sniffant » de la colle forte, pour oublier leur misère ou celles qu'on leur impose. A Tébessa, à trop épouser le décor, ils passent désormais inaperçus, ce n'est pas tant qu'on les ignore, ils ne se font aucune illusion sur le monde adulte, ils connaissent des vertes et des pas mûres. Ainsi le regard des autres ne peut les toucher, ils restent hermétiques à tout contact et se rient même de ceux qui se prennent trop au sérieux. Pour dominer le monde ils ont élu domicile le long de la muraille byzantine, ou carrément au-dessus du prestigieux monument de la ville: l'arc de triomphe de Caracalla, haut de quatorze mètres, situé en plein centre-ville. Déjà y accéder présente un risque majeur. Et pour des enfants «drogués »… Mais pour eux, installés au cœur de la cité, ce sont les cimes, les cieux, là où personne ne pourrait aller les chercher, ils souffrent…en paix.