Arrivé dans des conditions difficiles après l'assassinat du colonel Ali Tounsi, le général-major (à la retraite) Abdelghani Hamel a pris la DGSN en main en juillet. Il vient de passer les 100 jours, mais comment fonctionne-t-il ? Quelle est sa méthode et quels sont ses résultats ? 24 octobre, Alger. Ecole supérieure de la police de Chateauneuf. C'est la première conférence de presse du nouveau patron de la Sûreté nationale depuis sa nomination. Pendant que le général Hamel explique qu'il a «entièrement confiance en les cadres de la DGSN», les mesures de sécurité aux abords de la salle sont draconiennes. Pour la première fois, les policiers, quel que soit leur grade, sont obligés de déposer leur arme à l'entrée, en inscrivant soigneusement le numéro de série de leur pistolet. La salle est rigoureusement surveillée, l'ombre de Ali Tounsi plane, mais le général Hamel est calme, sûr de lui, et demande à ce que tout le monde puisse poser sa question. Bien qu'il s'énerve contre certaines personnes, il donne des conseils à d'autres journalistes, souligne les articles qu'il a jugé dénués de fondement et finit par dévoiler sa notion de la communication. Pour ce militaire de 55 ans, dont la mise à la retraite a été signée à la hâte en 24 heures pour lui permettre d'arriver «en civil» à la tête de la DGSN, il ne s'agit pas «de communiquer mais d'informer». C'est la méthode Hamel : muscles, discipline et transmission publique des données. Dans les coulisses, certains se plaignent de son «arrogance» et on le craint. Car 100 jours après son installation, il a déjà une légende. Dès sa nomination, il convoque une réunion avec les hauts gradés de la police, qui arrivent tous en costume-cravate-lunettes. Le général Hamel leur demande ironiquement : «C'est une réunion d'affaires ?» La première instruction ne tarde d'ailleurs pas à tomber. Le 12 juillet, il impose l'uniforme obligatoire pour tous, «du plus petit au plus grand». Tenue correcte exigée. Nomination au forceps Bab El Oued, le 25 février, en début d'après-midi : Alger est prise de panique et un grand moment de flottement sécuritaire s'empare de la capitale. Les rues se vident et de folles rumeurs circulent. L'information finit par faire le tour de la ville. Pour la première fois dans l'histoire du pays, un patron de la DGSN est assassiné dans son bureau. Les hypothèses les plus graves s'entrechoquent et s'en suit une longue période de blocage qui dure quatre mois. Les tractations sont féroces et le consensus a du mal à se dégager. L'armée et la Présidence veulent prendre en main la DGSN, et Yazid Zerhouni, le ministre de l'Intérieur qui a placé Abdelaziz Affani dès la mort de Tounsi, veut le nommer officiellement. L'homme est connu, il était chef de la police judiciaire de la capitale de 1995 à 2002, où il s'est distingué dans la lutte antiterroriste. Quelques jours après l'assassinat de Tounsi, Zerhouni explique que «son successeur a été désigné», sans donner de nom et, fin mars, il rend publiquement hommage à Abdelaziz Affani pour appuyer sa candidature. Mais lui-même est limogé deux mois plus tard, le 28 mai et nommé vaguement «vice-Premier ministre». La Présidence vient de perdre une grosse partie. Daho Ould Kablia, également ancien du MALG mais effacé et jugé «inoffensif», prend la place de Zerhouni. L'armée en profite pour placer le général Hamel, natif de la région de Tlemcen et que connaît bien Saïd Bouteflika, à la tête de la DGSN, après le consensus trouvé avec la Présidence par l'intermédiaire de deux proches conseillers de Bouteflika, Abdelatif Rahal et Benamar Zerhouni, tous deux également originaires de Tlemcen. Nommé le 14 juin -entre temps passé de général à général-major le 5 juillet- Abdelghani Hamel prend officiellement ses fonctions le 7 juillet. Commandant régional de la Gendarmerie nationale d'Oran entre 2004 et 2005, à la tête des garde-frontières entre 2005 et 2008, le patron de la Garde républicaine prend la tête de la DGSN, un général-major succédant à un colonel. Promotion ? La méthode Hamel Début juillet, le général Hamel trace sa feuille de route avec le nouveau ministre de l'Intérieur. Au menu, la qualité de la formation, la coordination entre les services de sécurité, l'amélioration de la relation avec la justice et l'image de marque de l'institution, à commencer par les hauts cadres qui doivent donner l'exemple. Pourtant, fin juillet, le général Hamel s'entoure de deux colonels, Benirat et Djâafri, deux hommes qui ont déjà collaboré avec lui à la Garde républicaine. Ils feraient la pluie et le beau temps à la nouvelle DGSN et on reproche au général de ne pas prendre des éléments de la police. Il s'en défend, assurant que ce sont les seuls militaires de la DGSN. Début août, le Ramadhan, objet habituel d'un pic de délinquance, approche. Le général Hamel veut s'imposer et montrer sa méthode. Grosses opérations à Alger, des centaines de jeunes sont contrôlés dans les rues et ramassés dans des fourgons : «Il faut nettoyer la capitale.» Le bilan est mitigé, pour le mois d'août, près de 2500 infractions sont enregistrées à Alger, entre homicides, coups et blessures, vols et autres délits. Mais surtout, pendant le Ramadhan, la police arrête plusieurs non-jeûneurs partout, en Kabylie, à Tébessa, à Bouira et à Oum El Bouaghi où un jeune est arrêté, frappé et vient tout juste d'écoper de deux ans de prison ferme (voir Contrechamp pages 6 et 7). Sur ce coup, comme sur les affaires liées à la non-observation du jeûne, ce sont les policiers qui ont fait le sale boulot, la justice ayant suivi. La direction de la DGSN ne s'explique pas, le général Hamel garde le silence, premier faux pas en communication, les Algériens ne sachant toujours pas si ne pas jeûner peut conduire à une arrestation policière. Le 15 septembre, un jeune de 17 ans meurt d'une balle dans la tête tirée par des policiers à Bab El Oued. Première bavure sous la responsabilité du général Hamel, d'autant que la DGSN reconnaît que le jeune ne faisait pas partie du groupe d'agresseurs recherché par la police. Un dispositif est mis en place pour éviter les dérapages dans ce quartier hautement inflammable et contrairement à ce qu'il s'était passé à Zemmouri quelques mois auparavant suite à une bavure similaire, la situation reste calme, pas d'émeute. L'information avait été rapidement transmise et les policiers accusés ont été immédiatement mis en garde à vue. Bon point pour le général, qui a ainsi évité l'embrasement de la capitale, capital pour lui. Le grand ménage Octobre, c'est le nettoyage d'automne, les tapis sont secoués et les locaux aérés de tout l'air vicié accumulé pendant l'ère Tounsi, où les règlements de compte entre l'ancien ministre de l'Intérieur et le défunt patron de la DGSN étaient connus de tous. 100 jours après son installation, le général Hamel est bien assis : il nomme 23 nouveaux chefs de sûreté de wilaya et en mute huit, les trois quarts des responsables locaux sont ainsi écartés, du jamais vu. Dans le même temps, il promeut 20 commissaires au grade de commissaires divisionnaires, change les têtes de la police judiciaire et se prépare à changer les chefs de sûreté de daïra. Ses détracteurs se posent quelques questions sur l'origine des nouveaux promus. «Majoritairement de l'Ouest», selon un cadre de la DGSN, et surtout sur certains cadres déchus, sous le coup d'enquêtes de justice, étrangement réintégrés. Mais l'opération de renouvellement se poursuit et le général Hamel est convaincu de sa bonne marche. Pour Alger, axe prioritaire pour lui, si la situation était tendue dès son arrivée et les services de sécurité en état d'alerte, 100 jours plus tard, le général affirme qu'il n'y a «pas de risque majeur sur la capitale». Pourtant, il admet que le dispositif a été renforcé, en plus des nouvelles sûretés urbaines installées, les barrages à l'entrée et à la sortie d'Alger «seront maintenus». Sec, comme les chiffres. Pour le troisième trimestre 2010, soit la période couverte depuis l'installation du général, la délinquance et la criminalité n'ont pas diminué par rapport à l'année dernière, mais on ne peut rien en conclure pour l'instant, cette tâche de réduction de la violence nécessitant au moins une année. «Ce qui est visible, résume un policier de base, est qu'il s'inquiète du taux de suicide alarmant chez nous et entreprend une amélioration de notre cadre de vie, même s'il a donné ordre d'interdire aux policiers de faire le taxi clandestin de nuit, ce que certains font pour arrondir leurs fins de mois.» «Le bon point, note un citoyen algérois, est qu'il s'attaque aux parkings sauvages, gros marchés illégaux où des policiers sont impliqués.» On l'attendait depuis longtemps. Un général va-t-il réussir là où colonels et civils ont échoué ?