Le danger qui guette l'Algérie est «un mélange détonnant de pauvreté, de corruption et de perte de morale collective». L'avertissement est de l'ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour. Invité par le bureau d'Amnesty International d'Alger, hier, pour débattre du thème de «La pauvreté», M. Benbitour a estimé que l'Algérie «est dans la direction de la pauvreté, si l'on se réfère à son modèle de développement qui appauvrit le patrimoine».Un modèle qui se décline par un réchauffement climatique – qui touche l'ensemble des pays de la planète –, la dilapidation du patrimoine comme les énergies fossiles, le manque d'intérêt pour l'agriculture, une jeunesse qui ne rêve que de partir et enfin l'attrait du communautarisme et de l'extrémisme qui mènent fatalement vers la violence en l'absence d'espaces de débat, a déclaré l'ancien chef de gouvernement. Tous ces éléments s'appliquent à notre pays. Ce qui fait dire à M. Benbitour que l'Algérie a bien pris la direction de la pauvreté. Et ce ne sont pas les chiffres de la croissance qu'exhibe le gouvernement qui peuvent démentir cette réalité. Car selon l'ancien chef de gouvernement, «la croissance économique ne signifie pas forcément lutte contre la pauvreté et réduction de l'exclusion sociale». M. Benbitour a, dans son analyse, favorisé une approche normative pour apprécier l'état de la pauvreté dans notre pays. Car, selon lui, en l'absence d'une administration locale capable de quantifier le phénomène, il est «impossible d'établir des statistiques fiables. Les chiffres qu'on avance sont très approximatifs». Les normes sur lesquelles s'appuie M. Benbitour pour défendre sa thèse sont «le manque d'opportunités, le manque de capacités d'accès aux services sociaux tels que l'école et la santé, la carence en matière de sécurité face aux calamités naturelles et aux chocs économiques. Les citoyens ne sont pas protégés en cas de catastrophes». L'autre indicateur qui permet à M. Benbitour de mesurer la proportion inquiétante de la pauvreté réside dans la privation des plus démunis «d'une voix et de moyens pour pouvoir exprimer leur détresse». Pour celui qui a lancé, depuis quelque temps, le Cercle d'initiative citoyenne pour le changement (CICC), «il ne s'agit pas de savoir si le pouvoir politique est conscient de l'inquiétante situation de la pauvreté. Seul un changement de système de gouvernance est à même de stopper cette spirale». Par ailleurs, Ahmed Benbitour n'a pas manqué de critiquer la démarche adoptée au niveau mondial pour lutter contre la pauvreté, définie dans les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). «On est très loin des chiffres fixés par les Objectifs du Millénaire pour le développement. Il n'y a pas d'aide au développement. C'est une illusion», a assuré M. Benbitour.