Trop souvent galvaudée, la notion de bonne gouvernance est en train de devenir pour certaines entreprises algériennes une condition sine qua non de performance. La consommation en produits laitiers a atteint les 5 milliards de litres en 2009. Une année auparavant, toutes les statistiques agricoles ont été élaborées sur la base d'une consommation annuelle de 3,5 milliards de litres. Soit une croissance de quelque 1,5 milliard de litres en l'espace d'une année qui n'est accompagnée d'aucun élément d'explication. Ce qui reflète l'ampleur de la spéculation qui entoure cette filière considérée parmi les plus stratégiques du secteur agricole. Une note élaborée la semaine dernière par le ministère de l'Agriculture et du Développement rural sur l'orientation de base pour le renforcement et l'intégration de la filière lait fait ressortir une multitude de nouveaux indices qui caractérisent la production laitière à divers niveaux, à l'importation, à la production ou à la consommation. Ainsi, est-il souligné dans le document du département de Rachid Benaïssa, «en 2009 (année de référence pour le calcul), près de 5 milliards de litres en équivalent lait ont été mis sur le marché national, à raison de 4 milliards de litres en lait de consommation et un milliard de litres en produits laitiers». Outre la consommation annuelle de produits laitiers qui a connu une croissance spectaculaire en Algérie, le même document met en évidence la prédominance des importations en dépit d'une production locale en évolution constante. En effet, «sur ces 5 milliards de litres d'équivalent lait, 2,5 milliards provenaient de la production nationale de lait cru et 2,5 milliards de litres provenant de l'importation», est-il souligné dans le document du MADR. Un équivalent de 1,2 milliard de litres a été importé par l'Office interprofessionnel de lait (Onil), dont l'intervention vise à garantir l'approvisionnement régulier du marché en matières premières pour le maintien du prix du lait pasteurisé en sachet à 25 DA, tandis que les transformateurs privés ont importé durant l'année précédente un équivalent de 1,3 milliard de litres sous forme de poudre ou de produits laitiers divers. Cependant, quelque 30% de ces 5 milliards de litres de lait consommés en 2009 ont été touchés par les subventions de l'Etat et la note du ministère souligne à cet effet : «1,5 milliard de litres mis sur le marché à prix soutenu par l'Etat (soit 30% du total consommé) et 3,5 milliards de litres d'équivalent lait ont été mis sur le marché à prix libres.» Tel est donc le constat général établi par le ministère de l'agriculture sur la filière lait. En parallèle la tension plane toujours sur les relations entre l'Onil et les transformateurs privés, du moins une partie d'entre eux. La semaine dernière, le ministre de l'agriculture a parlé d'une quinzaine de transformateurs qui alimentent la surenchère et font pression sur l'Onil dans le but d'augmenter leurs quotas de poudre tout en réfutant la pénurie de la poudre. Dans tous les cas de figure, les affirmations des pouvoirs publics, à leur tête l'Onil, ne peuvent pas démentir les perturbations que connaît depuis quelques semaines déjà l'approvisionnement du marché en lait pasteurisé de 25 DA, notamment dans certaines régions du centre du pays. Une situation paradoxale Les pouvoirs publics se posent désormais des questions sur cette situation. Lors d'une réunion tenue avec les cadres de son secteur la semaine passée, le ministre de l'Agriculture, Rachid Benaïssa, a déclaré ouvertement qu'«il est paradoxal que la région de Tizi Ouzou soit touchée par la pénurie de lait en sachet, alors que c'est la wilaya où la production laitière connaît une croissance exceptionnelle et où sont implantées plusieurs laiteries». Ces contrastes incitent en tout cas le ministre à évoquer la spéculation qui entoure la filière lait. En conséquence, de nouvelles mesures sont prévues pour redéfinir les relations entre les transformateurs et l'Onil. Ainsi, dans la note sur la filière et au volet relatif à la protection de l'approvisionnement du marché en lait pasteurisé de 25 DA, le ministère de l'Agriculture prône une nouvelle stratégie à compter du mois de janvier 2011. Il sera question de soumettre les laiteries privées à un nouveau cahier des charges. Il est souligné à cet égard : «Les unités publiques sont mises sous sujétions publiques pour la fabrication d'au moins 50% du LPC (lait pasteurisé de consommation, ndlr) mis sur le marché national. Elles bénéficieront de ce fait de poudre de lait à prix subventionné. Les laiteries privées seront sollicitées, par voie de réponse à la manifestation d'intérêt annuel, à participer à couvrir les autres 50%, sous réserve de répondre aux conditions édictées dans un cahier des charges joint à l'appel à manifestation su cité.» Cette nouvelle démarche laisse conclure ainsi que la participation à la production de lait en sachet de 25DA ne sera ouverte qu'à un nombre limité de laiteries privées, en l'occurrence celles qui fourniront des garanties que la poudre qui leur sera fournie par l'Onil à des prix subventionnés sera utilisée exclusivement dans la fabrication du lait de 25DA.