La polémique enfle entre le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et le RCD. Le débat autour de la déclaration de politique générale du gouvernement, clôturé dimanche dernier, a ravivé la guerre de tranchées qui oppose, depuis des années, le plus ancien des représentants du pouvoir en Algérie à un des leaders de l'opposition. En effet, les interventions critiques des députés du RCD ont fini par faire sortir de ses gonds le Premier ministre, connu jusque-là pour «son calme et sa diplomatie». Irrité, sans doute, par le tableau extrêmement sombre de son bilan à la tête du gouvernement dressé par les élus du RCD, Ahmed Ouyahia n'a pas su cacher sa colère. Du haut du pupitre de l'Assemblée populaire nationale (APN), il consacre une bonne partie de sa réponse au RCD et ses députés : «Vous ne représentez rien, vous ignorez votre peuple, vous vous êtes trompés de pays, vous êtes des hurluberlus qui ont bloqué le développement de la Kabylie où vous avez paralysé le système scolaire pendant une année et vous êtes des élus inconnus à 40 kilomètres de votre terroir. Vous passez votre temps à glorifier la Tunisie et le Maroc au lieu de défendre votre pays…» Et la réponse du RCD ne s'est pas fait attendre : «Ces élucubrations viennent d'un homme qui a institutionnalisé les fraudes électorales, exécuté tous les coups bas portés à une démocratie balbutiante, sacrifié les cadres de la nation pour complaire au clan dominant de l'époque, précipité l'arabisation dont il a prémuni ses enfants et déclaré successivement être un ‘‘éradicateur patenté'' avant de se dire fier d'être un ‘‘réconciliateur convaincu'', le jour où son nouveau maître décida d'engager l'Algérie dans une aventure dont on paie chaque jour les errements», déclare le parti dans un communiqué rendu public hier. Qualifiant les attaques de Ahmed Ouyahia contre les élus du parti d'«indécent» et de «diatribe», le RCD rétorque : «Cette indécence s'adresse à des militants qui ont sacrifié liberté, famille et carrière pour voir enfin le pays sortir du glacis du parti unique et renouer avec les valeurs qui ont permis à notre peuple de se lever et de se libérer d'une dépendance coloniale qui, pour se prolonger aujourd'hui sous d'autres formes, n'en est pas moins violente et dangereuse.» Poursuivant, le parti de Saïd Sadi qualifie la position du Premier ministre de «mercenariat». «Cette diatribe, outre qu'elle signe la précipitation de l'engagement dans un mercenariat assumé, n'apporte rien de nouveau sur le personnage. Dans les systèmes totalitaires, notamment dans le tiers monde, les individus culpabilisés par leur origine de minoritaires doivent donner en permanence la preuve de leur reniement pour survivre politiquement», ajoutent les rédacteurs du communiqué. Et d'enchaîner : «Tous les Algériens savent que M. Ouyahia a fait le choix de la félonie pour surnager dans la scène politique. Mais il faut aussi savoir que le choix et le maintien de ce genre de profil dans les sphères dirigeantes est l'un des symptômes les plus sévères révélant la déchéance et la régression nationales.» Le RCD oppose également à M. Ouyahia ses propres arguments : «Oui, monsieur Ouyahia, nous n'avons ni le même parcours ni le même présent et, soyez-en sûr, nous n'aurons pas le même avenir. Oui, monsieur Ouyahia, nous n'appartenons pas au même peuple et si les hasards de la vie nous ont fait naître sur la même terre, nous ne rêvons pas du même destin», rétorque encore le parti, en reprochant à Ouyahia «son militantisme de la vingt-cinquième heure».