En 1962, le musée de Skikda comptait plus de 1400 pièces, aujourd'hui il n'en reste que 400. Skikda a subi, malgré elle, une véritable razzia qui a eu raison d'une immense partie de son patrimoine archéologique. Cette hémorragie a été entamée par le colonisateur le 7 octobre 1838 quand des pans immenses des vestiges de l'antique Russicade furent engloutis pour servir de soubassement à plusieurs constructions. La caserne de France, l'hôpital et le lycée Nahda, pour ne citer que ces exemples, ont été érigés sur les ruines romaines. Le massacre ne s'arrêtera pas là et continuera après l'Indépendance. L'absence d'un musée permettra ainsi à certaines personnes de jouer sur terrain libre et de vider Skikda de ses richesses. Le ton est donné au cours de la nuit du 25 décembre 1996, quand pas moins de neuf têtes en marbre d'une valeur inestimable sont dérobées, sans effraction, du dépôt qui servait de musée au centre culturel Ahcène Chebli. Deux ont été retrouvées par Interpol, l'une en Allemagne et l'autre à New York. Les sept autres demeurent introuvables. En 1962, l'ancien musée de Skikda comptait plus de 1200 pièces archéologiques répertoriées. Aujourd'hui, il n'en reste que 400. Un autre exemple : en 1967, l'archéologue Khadra, alors en déplacement à Skikda, avait inventorié un authentique trésor qui ornait un des bureaux du théâtre communal. Ce trésor comptait des bijoux, mais surtout une rare collection appelée «Les Verres de Russicade » constituée d'un ensemble de récipients et autres ustensiles en verre. L'archéologue s'était même étonnée qu'une telle richesse soit laissée dans la bâtisse du théâtre, vide à l'époque, et qui n'était gardée que par un vieux gardien. Moins de quatre années après, plus aucune trace de ce trésor. La dilapidation s'est également étendue à des sites entiers. L'exemple que les Skikdis gardent douloureusement, en mémoire, reste indéniablement la destruction des «Magasins de l'anone», à Stora, en 1989, quand des bulldozers ont détruit un authentique site archéologique pour y ériger des constructions.A Guerbès, sur la côte est de Skikda, selon un cadre de la direction de la culture, les élus locaux, à court d'imagination, ont utilisé au cours des années 1990 l'espace occupé par une remarquable mosaïque romaine pour y ériger une hideuse baraque. Cette dernière devait servir de poste de secours lors des saisons estivales. La même source évoque également le sort étrange qui a été réservé aux restes archéologiques de la grande cité Celtianus à Beni Oulbène, au sud de Skikda : «Il suffit juste de faire un tour dans la région d'El Kherba pour constater que les maisons privées, érigées ici et là au cours des années 1990, comptent presque toutes au moins un objet archéologique. Certaines ont été élevées avec la pierre ramassée sur le site et d'autres se targuent même d'avoir des piloris romains.» Plus récemment encore, la même source évoque avec amertume la destruction en 2007 d'un important site à El Henchir, dans la commune de Bekkouche, au sud-est de Skikda, et de rapporter que «d'après les écrits en notre possession, il s'agirait d'une tombe qui remonterait à l'ère romaine», et qu'«elle contenait d'importants objets qui malheureusement ont été engloutis avec la tombe lors des travaux de réalisation du projet du périmètre d'irrigation de Zit Mba». Une prise de conscience commence cependant à se faire sur le phénomène. Ainsi, selon la direction de la culture, rien que dans la wilaya de Skikda, les cellules de sauvegarde du patrimoine de la Gendarmerie nationale ont réussi, malgré des débuts difficiles, à récupérer tout de même plus de 400 objets, dont des pièces de monnaie. Ceci en attendant d'élargir le concept de sauvegarde à d'autres sites, comme les dolmens et les ruines saintes de Oued Bibi. L'initiative qui a débuté est louable, il reste à espérer qu'elle dure dans le temps.