La restitution du buste aura laissé un goût amer chez la population. La pièce archéologique, tant attendue, ne retrouvera pas finalement sa place dans sa ville d'origine. La célébration du mois du patrimoine à Skikda se fera sans la statue de Marc Aurèle, qui a pourtant été restituée aux autorités compétentes du pays. Ces dernières ont d'ailleurs donné à l'événement une envergure nationale en organisant une cérémonie officielle au musée des antiquités d'Alger. Seulement, un fait, et non des moindres, aura échappé aux personnes présentes à la cérémonie, à savoir l'absence des autorités représentant la ville de Skikda. Ni le président de l'APW, ni le maire n'ont jugé utile de se déplacer à Alger pour répondre à l'invitation qui leur a été faite par Mme Toumi. Un geste beaucoup plus symbolique que politique, car il faut reconnaître que la restitution du buste de Marc Aurèle aura laissé un goût amer chez les Skikdis, qui refusent ce fait accompli, en décidant de garder la pièce à Alger alors que c'est une propriété du musée local. « Tout en saluant les grands efforts fournis par le ministère de la culture pour rapatrier le buste de Marc Aurèle, nous aurions tout de même aimé que la statue puisse retrouver sa place dans sa ville d'origine » a déclaré M. Ghanaï, P/APC de Skikda. Lors de son intervention au musée des antiquités, Mme Toumi avait tenté, à travers un discours officiel, de justifier sa décision. Elle usera d'arguments et tentera de mettre en relief l'action d'Interpol et des services diplomatiques algériens, qui ont permis d'identifier et de rapatrier la pièce archéologique. Elle commencera par revenir aux conditions du vol de la statue avec huit autres, en rapportant qu' « elles n'étaient pas dans un musée, mais dans un centre culturel géré par la commune, qui ne disposait pas des mesures de sécurité adéquates ». Ce qui est juste, mais en partie seulement, car les statues volées n'étaient pas dans un centre culturel mais dans le musée communal situé au sous-sol du centre. Dans sa logique, Mme Toumi révélera, par la suite, que « la situation a changé depuis 1996, car l'Etat a décidé de conserver les pièces de valeur dans des musées dignes de ce nom, gérés selon les normes juridiques et sécuritaires internationales ». Là-dessus, et sans vouloir mettre en doute les efforts consentis par le ministère de la culture, il serait bon d'apprendre que la situation du musée d'où avaient été volées les statues n'a pas changé d'un iota, et celui-ci continue à ce jour, d'accueillir les visiteurs dans les mêmes conditions. Ce musée abrite toujours, et comme il y a dix ans, des œuvres de valeur comme une statue du Dieu Mitra, une statue de Vénus, une autre de Bacchus, et il y a même une stèle funéraire, très rare, de la déesse Tanit. La décision du ministère de la culture de garder la statue de Marc Aurèle à Alger pour des considérations de sécurité sonne aussi, et surtout, comme un véritable aveu d'échec. Des années durant, et malgré une richesse indéniable, Skikda demeure encore le parent pauvre en matière d'investissement visant à protéger et à promouvoir ces biens. Ni les toiles de maîtres, ni les pièces archéologiques ne semblent convaincre encore le ministère de la nécessité de doter Skikda d'un véritable musée. Peut-être faudrait-il laisser voler ces richesses pour qu'elles puissent enfin attirer l'attention des hautes autorités du pays. Qui sait !