Après le scandale de la recette douanière de Skikda où près de 400 millions ont été détournés, c'est au tour de celle de Ghazaouet, dépendant de la direction régionale de Tlemcen, d'être éclaboussée par une affaire liée à l'encaissement (entre 2002 et 2005) de dizaines de chèques sans provision émis par des barons de l'import-import pour s'acquitter des droits et taxes douaniers. L'enquête menée par l'inspection générale vient de confirmer toutes les anomalies ayant entaché la gestion de cette recette et qui ont engendré un préjudice financier d'un montant de 690 millions de dinars, soit 69 milliards de centimes. Dans un télex, daté du 16 août 2005 adressé par l'inspecteur général au directeur des ressources humaines, il est fait état qu'à la suite d'un contrôle de la recette des douanes de Ghazaouet, « il a été relevé des anomalies dans les écritures comptables consistant en des chèques retournés impayés pour provision insuffisante d'un montant de 562 934 839 DA (c'est-à-dire plus de 56 milliards de centimes), émis par une seule société privée en paiement des droits et taxes (...) Lesdits chèques non certifiés ont été acceptés par le receveur des douanes en violation de la réglementation. A ce jour, le montant des chèques non régularisés s'élève à 236 163 755 DA (....) ». Devant cette situation et « compte tenu du préjudice causé au Trésor public », l'inspecteur général a demandé à ce que l'inspecteur soit relevé de son poste en attendant la fin de l'enquête. Parallèlement à ce scandale, l'expertise comptable demandée par le tribunal de Sidi M'hamed dans le cadre de l'affaire du trafic des D10, ou de détournement des droits et taxes liés à l'importation des véhicules au port d'Alger, a elle aussi fait état de graves anomalies dans la gestion la recette principale d'Alger-voyageurs. Entre 1999 et 2004, l'expertise a comptabilisé 308 dossiers d'importation de véhicules n'ayant pas fait l'objet de déclaration de versement des montants des droits et taxes, alors que les propriétaires concernés se sont acquittés de ces montants. Ce qui représente, selon l'expertise, un préjudice de 66 348 792 DA, soit plus de 6 milliards de centimes. Le procédé utilisé pour détourner ces sommes est un jeu d'écriture sur micro pour effacer les numéros des quittances de paiement du journal comptable. « Cette recette était gérée d'une façon anarchique, marquée par le laisser-aller et la déliquescence. Pour preuve, le recours des agents de la caisse à des cachets qui ne sont dotés d'aucun signe qui permet d'identifier l'auteur de la signature. Ce qui est très grave pour le service. Pis encore, ces mêmes cachets ne sont même pas enregistrés dans le registre officiel des cachets (...). » L'expert a relevé plusieurs autres anomalies dans la gestion du personnel de la recette et son contrôle par la hiérarchie, allant jusqu'à s'interroger sur le fait que « des véhicules importés en 2000 ne soient dédouanés qu'en 2004, sans que les responsables réagissent, alors que la loi exige que le dédouanement se fasse dans les 8 jours qui suivent l'introduction du véhicule sur le territoire national, faute de quoi il sera saisi. Toutes ces défaillances sont le résultat du laisser-aller et de la mauvaise gestion de cette recette par ses responsables, qui n'obéissent à aucun contrôle de l'inspection régionale ou générale, ce qui a conduit au détournement de ses fonds ». Cette expertise vient d'être remise au tribunal de Sidi M'hamed, où l'instruction sur ce détournement est toujours en cours. CONVOCATION ET INCULPATION De nombreux inspecteurs ont été convoqués et certains inculpés dans ce cadre. L'institution est également concernée par le scandale Khalifa, puisque 12 de ses cadres ont été entendus par la gendarmerie nationale, chargée de l'enquête sur l'opération d'importation, par la banque El Khalifa, de deux stations de dessalement d'eau de mer, reçues selon le patron de Khalifa comme un don. Or il s'est avéré que ce dernier a transféré pour ces deux stations, en état d'épave, la somme de 67 millions de dollars. La question est de savoir comment les services des douanes n'ont pas contrôlé les deux stations et, plus grave, comment la Banque d'Algérie a opéré le transfert de la somme sans qu'il y ait la remise des documents douaniers nécessaires à cette opération. Toutes ces affaires ont accentué le climat de tension qui pèse sur l'institution. L'annonce d'une grève générale, par la coordination portuaire, dont fait partie le Syndicat national des douanes (SND) n'a pas pour autant aidé à l'ouverture d'un dialogue. Hier, deux réunions ont eu lieu au siège de la direction générale. DYSFONCTIONNEMENTS La première a regroupé les responsables de trois sections syndicales (de la direction générale, du Cnis et de Tizi Ouzou) sur les 68 que compte le syndicat sur le territoire national. L'ordre du jour a été consacré aux éventuelles actions pour torpiller la coordination portuaire, dont fait partie le Syndicat national des douanes (SND) et qui doit se prononcer, aujourd'hui, sur un mot d'ordre de grève nationale. En réaction à cette rencontre, le bureau du SND s'est, lui aussi, réuni et a rendu public un communiqué dans lequel il a fait état d'« un malaise profond qui gangrène l'institution, caractérisé par une situation de désespoir quant à une prise en charge sérieuse du problème des salaires, du régime indemnitaire, de l'intégration des corps communs et de la régulation des diplômés universitaires ». Le constat dressé par le SND est très grave : marginalisation d'un grand nombre de cadres importants, l'établissement de procédures disciplinaires en violation du règlement intérieur, licenciement des cadres nommés par décret et leur remplacement par d'autres, tous en position d'intérim, la volonté manifeste du premier responsable de pousser à l'affrontement et à l'instabilité par le biais de provocations et de manipulations qui, au fond, ne visent qu'à détourner l'attention des pouvoirs publics quant à une évaluation sérieuse de cinq années d'exercice, tentative de ce même responsable d'orienter délibérément les pouvoirs publics vers des enquêtes sur la base de rumeurs ou de lettres anonymes à l'encontre de cadres de l'administration, des syndicalistes et des fonctionnaires de tout grade au détriment d'une prise en charge sérieuse de l'approfondissement du plan de modernisation de l'institution, d'une refonte des modes de gestion, d'organisation et de fonctionnement de l'institution, d'une gestion transparente des ressources humaines avec égalité des chances pour tous, loin de tout esprit chauvin, clanique, régionaliste ou tribal, etc. Il a également fait état de « dysfonctionnements très graves ayant entraîné un préjudice important au Trésor public, notamment les affaires des unités de dessalement de Khalifa, des déchets ferreux avec la prescription de certains dossiers, le détournement au niveau de la recette d'Alger-voyageurs, du détournement des 56 milliards de centimes de la recette de Ghazaouet ». Le syndicat a dénoncé « la manipulation du conseil syndical de la direction générale aux fins de soutien et de création d'une coordination fantoche pour contrecarrer la coordination portuaire et l'action du syndicat national ». « Devant ces graves dérives », le SND a interpellé les pouvoirs publics pour mettre fin à cette situation et appelé les syndicalistes à une réunion du Conseil national le 15 novembre à l'effet de décider des actions à venir pour le règlement de tous les problèmes socioprofessionnels des travailleurs. A signaler que le SND sera présent aujourd'hui à la réunion de la coordination portuaire.