La France a connu hier, à minuit, son premier couvre-feu depuis 50 ans. Devant un hémicycle bondé, Dominique de Villepin a longuement justifié hier devant les députés l'instauration de l'état d'urgence face aux violences dans les banlieues. Le Conseil des ministres a institué dans la matinée un état d'urgence, qui autorisera notamment l'instauration du couvre-feu dans des zones définies et des perquisitions en cas de « suspicion » de détention d'armes. Le Conseil des ministres avait pris un décret d'application de la loi du 3 avril 1955, instituée pendant la guerre d'Algérie. Le rétablissement de l'ordre public est un préalable. Notre responsabilité collective est de faire de ces quartiers sensibles des territoires comme les autres de la République », remarque le Premier ministre qui précise que le décret « exclut tout contrôle des médias ». Si la droite et l'extrême droite se réjouissent de l'instauration de l'état d'urgence, Philippe de Villiers allant même jusqu'à demander l'intervention de l'armée, l'opposition est dubitative, voire hostile. Le Parti socialiste se refuse à polémiquer sur la sécurité, mais se donne la liberté de critiquer ouvertement la gestion répressive des banlieues. Vincent Peillon, cofondateur du courant Nouveau parti socialiste, juge le gouvernement « incompétent, indécent et indigent ». Attaquant frontalement le locataire de la Place Beauvau, le leader du NPS déclare : « Avec Sarkozy, c'est la chienlit », paraphrasant ainsi ce qu'avait dit le général de Gaulle en 1968. « Voilà le ministre qui échoue sur tous les sujets qu'on lui confie. » Plus remonté contre le ministre de l'Intérieur, le député Vert Noël Mamère fait acte de désobéissance. « En tant que maire de Bègles, je désobéirai et je refuserai d'appliquer l'état d'urgence Le Premier ministre, en déclarant l'état d'urgence, a envoyé le pire signe aux banlieues, donnant l'idée aux Français que les populations des banlieues sont des populations de relégués, auxquelles on applique un traitement d'exception.. » L'état d'urgence suscite beaucoup de critiques, notamment de la part des organisations non gouvernementales, comme la Ligue des droits de l'homme, mais aussi des médias. « Exhumer une loi de 1955, c'est envoyer aux jeunes des banlieues un message d'une sidérante brutalité : à cinquante ans de distance, la France entend les traiter comme leurs grands-parents. Le Premier ministre devrait se rappeler que cet engrenage d'incompréhension, de fébrilité martiale et d'impuissance avait alors conduit la République aux pires déboires », diagnostique Jean-Marie Colombanie, le directeur du Monde. Nicolas Sarkozy, a posé hier à l'Assemblée nationale la question de la suppression des allocations familiales pour les parents qui « n'exercent plus leur autorité sur leurs enfants ». « La famille n'est pas simplement un lieu pour obtenir des allocations, c'est aussi un endroit où on exerce une autorité. Il faudra bien poser un jour clairement la question : quand on n'exerce pas son autorité, doit-on bénéficier de toutes les allocations ? » Pour lui, la réponse est tranchée. « La fermeté », encore et toujours.