L'Etat français a décidé, hier, d'instaurer l'état d'urgence pour faire face à la vague de violence qui frappe l'Hexagone. Le gouvernement français a «dépoussiéré» une ancienne loi datant de 1955, en pleine guerre d'Algérie, pour pouvoir décréter le couvre-feu dans les localités qui se sont embrasées depuis le 27 octobre dernier. Les pouvoirs d'exception instaurés, les services de sécurité français peuvent actuellement agir sans recourir à une autorisation de la chancellerie. Cette décision, la première depuis la fin de la guerre d'Algérie, a été décidée après une réunion extraordinaire des ministres et présidée par Jacques Chirac. Le couvre-feu entrera en vigueur dès aujourd'hui à minuit. D'après le compte-rendu du Conseil des ministres, le couvre-feu sera appliqué dans les zones qui seront définies par décret, et les préfets disposeront de compétences renforcées pour assurer le maintien de l'ordre et pourront notamment imposer un couvre-feu pour prévenir les violences urbaines qui font rage aux quatre coins de la France. Ces dispositions, annonce-t-on également, sont valables une douzaine de jours, mais le chef de l'Etat français qui réunira un autre Conseil des ministres dès cette fin de semaine, présentera un projet de loi lui permettant de proroger l'état d'urgence. Ainsi, l'intervention de l'armée française pour rétablir l'ordre est de plus en plus probable. Malgré le déploiement de plus de 10.000 policiers pour ramener le calme dans les banlieues, les émeutes au contraire ont redoublé d'intensité et se sont même propagées à d'autres villes et villages, ce qui fait craindre le pire. Il faut savoir que treize jours après le déclenchement des événements à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), la violence ne cesse de s'accentuer. Durant la nuit de lundi à mardi dernier, plus de 1400 véhicules ont été incendiés. 12 policiers ont été blessés par des projectiles lancés par les émeutiers qui bravent toutes les interdictions. Dans une déclaration à l'APS, la Haute autorité française contre les discriminations (Halde) créée par Jacques Chirac en avril dernier, estime que les violences qui embrasent actuellement de nombreuses villes françaises résultent des inégalités criantes que ressentent les jeunes. La Halde révèlera que depuis son installation le 23 juin 2005, elle a enregistré 850 réclamations dont 45% sont liées à des discriminations en matière d'emploi. C'est dire que la politique du deux poids deux mesures appliquée sur les beurs en matière d'embauche constitue le facteur principal du déclenchement des graves événements qui secouent toute la France et qui se sont propagés à des degrés moindres en Belgique puis en Allemagne. D'après des statistiques d'instituts français, le taux de chômage en France est deux fois plus élevé dans les régions où résident les immigrés. Si la communauté immigrée dans sa quasi-totalité est contre ce qui se passe actuellement dans les banlieues, il n'en demeure pas moins qu'elle est unanime pour dénoncer les discriminations racistes dont elle a toujours été victime. L'échec des différentes politiques d'intégration engagées par les différents gouvernements français est avéré. Nombre d'intellectuels français sont arrivés au même constat. On parle même actuellement en France carrément de «repli communautaire» et de «rupture avec le modèle social français». Tous les émeutiers approchés par les journalistes dans les banlieues embrasées affichent un ras-le-bol généralisé et estiment que la société française les a méprisés depuis des décennies. Ni l'intervention de Jacques Chirac et encore moins celle de Dominique de Villepin n'ont semble-t-il convaincu les jeunes issus des quartiers défavorisés à renoncer à la violence et à la destruction. La presse française qui essaye de ne pas trop ajouter de l'huile sur le feu s'inquiète franchement de la tournure que prennent les événements. Même le Premier ministre M.Dominique de Villepin reconnaît après coup qu'il existe des manquements de la droite (UMP) en matière de politique de la ville en promettant d'y remédier rapidement en rétablissant notamment les subventions aux associations qui sont au contact de la vie quotidienne des habitants des banlieues. Mais cela est-il suffisant pour éteindre le feu? Pas si sûr que ça.