Le gouvernement dirigé par De Villepin a autorisé l'instauration d'un couvre-feu de 12 jours “dans les zones qui le nécessitent pour enrayer les émeutes”. Hasard ou ironie de l'histoire, le gouvernement français, poussé dans ses derniers retranchements par l'embrasement des banlieues, a eu recours, hier, aux dispositions d'une loi, datant de la période de la guerre de Libération, pour tenter d'endiguer les violences nocturnes qui se sont déclenchées dans les zones péri-urbaines des grandes agglomérations de l'Hexagone. En vertu donc de cette loi, promulguée précisément le 3 avril 1955 pour faire face au déclenchement de la Révolution de Novembre en Algérie, le gouvernement dirigé par De Villepin a autorisé l'instauration d'un couvre-feu de 12 jours “dans les zones qui le nécessitent pour enrayer les émeutes”. La décision a été annoncée par le ministre français de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, à l'issue d'un Conseil des ministres présidé par le chef de l'Etat Jacques Chirac. M. Sarkozy a indiqué que, conformément à ces dispositions, des perquisitions allaient être possibles durant 12 jours lorsqu'il y aura “suspicion” de détention d'armes dans les banlieues. Cette loi prévoit que le ministre de l'Intérieur ou les préfets peuvent “ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit”, alors que ces perquisitions dépendent, en temps normal, du pouvoir judiciaire. Le ministre devait réunir, hier après-midi, les préfets pour décider dans quelles zones pourrait être instauré un couvre-feu qui devrait entrer en vigueur dès aujourd'hui. Mais sentant toute la difficulté de rétablir l'ordre en 12 jours, le président français réunira au début de la semaine prochaine un nouveau Conseil des ministres où sera présenté un projet de loi permettant la prorogation de l'état d'urgence. Toutefois, cette fois-ci le gouvernement est tenu de passer par le Parlement pour pouvoir proroger l'état d'urgence. Rattrapée par sa propre histoire, la France puise dans une législation qu'elle a mise en place dans l'urgence de la guerre de Libération pour affronter des événements qui la submergent un demi-siècle après. L'éventualité du recours à l'état d'urgence pour tenter de maîtriser la situation dans les centaines de communes touchées par les émeutes et les saccages avait été avancée par le Premier ministre français, dans la soirée de lundi à la télévision, comme une solution à l'exacerbation de la violence dans les banlieues. Et malgré le ton ferme employé par De Villepin, cela n'a eu aucun impact sur les événements qui ont continué tout au long de la nuit de lundi à mardi. Selon les chiffres rapportés par les agences d'information, pas moins de 1 173 véhicules ont été brûlés (plus de 1 400 la veille) et 330 interpellations effectuées par les forces de l'ordre. Douze policiers ont été légèrement blessés, principalement par des jets de projectiles. Des tirs de grenaille ont à nouveau été signalés, sans atteindre de policiers. Moins d'une dizaine de bâtiments ont été la cible des incendiaires. Parmi les véhicules brûlés, 933 l'ont été en province (contre 982 la veille) et 240 en région parisienne (contre 426). Ces émeutes continuent, par ailleurs, de faire la une de l'ensemble des journaux britanniques, allemands, italiens et espagnols qui craignent une exportation des troubles dans les autres pays européens. À noter qu'une quinzaine d'imams et responsables d'associations musulmanes se sont réunis lundi soir dans une mosquée de Clichy-sous-Bois (banlieue de Paris) pour condamner les récentes violences urbaines et appeler au calme. H. Saïdani