Abraham Serfaty, l'un des plus célèbres opposants de gauche à l'ancien roi du Maroc Hassan II, est décédé jeudi des suites d'une longue maladie, à l'âge de 84 ans, dans une clinique de Marrakech. Serfaty avait consacré toute sa vie à militer contre l'absolutisme du régime de Hassan II et à lutter pour les droits de l'homme. Il a été aussi un fervent défenseur de la cause palestinienne.Né à Casablanca, au Maroc, en1926, Abraham Serfaty, issu d'une famille juive originaire de Tanger, était un indépendantiste marocain qui s'illustra par son double emprisonnement tant sous le protectorat français que sous le règne du roi Hassan II. Militant communiste dès 1944, il s'engage ardemment pour l'indépendance de son pays, ce qui lui a valu d'être emprisonné en 1950 et placé en résidence surveillée en 1956. Ingénieur des mines de formation, il participa ensuite à la mise en place des institutions de l'Etat marocain, à des postes plus techniques que politiques. En 1970, il rompit avec le Parti communiste marocain, qu'il jugeait sclérosé et fonda l'organisation d'extrême gauche Ila Al Amam (En avant), actuellement La Voie démocratique. Serfaty était de ceux qui ont le plus souffert du régime de Hassan II. Arrêté en 1972 et torturé de manière abominable par ce même régime, il avait préféré entrer dans la clandestinité que de rendre les armes. Mais après plusieurs mois de clandestinité, il fut encore une fois arrêté, en 1974. En octobre 1977, lors d'un procès à Casablanca, il fut condamné à perpétuité. Officiellement, il était accusé de «complot contre la sûreté de l'Etat», mais la lourdeur de la peine provenait de son parti pris contre l'annexion du Sahara occidental, même si ce reproche ne figurait pas dans l'acte d'accusation. La pression internationale fut telle, en sa faveur, qu'il est libéré en septembre 1991, mais aussitôt banni du Maroc. Serfaty fut privé de sa nationalité marocaine en raison de son soutien à l'autodétermination du peuple sahraoui. En septembre 1999, cet infatigable militant pour la justice et la liberté fut autorisé par le nouveau roi Mohammed VI à rentrer au Maroc et sa nationalité marocaine reconnue officiellement. Une foule nombreuse a assisté hier, au cimetière juif de Casablanca, aux obsèques de celui qui incarnait à lui seul une partie de l'histoire du Maroc. Outre son épouse, Christine Daure Serfaty, qui l'avait toujours soutenu durant son parcours militant, des membres de la communauté juive et des représentants de la société civile et d'ONG des droits de l'homme ont tenu à rendre un ultime hommage à Serfaty.