Le ministère public du tribunal criminel près la cour d'Alger a requis, hier, la prison à perpétuité à l'encontre de cinq accusés dans l'affaire du naufrage du cargo le Béchar relevant de la Compagnie nationale de navigation (CNAN) en novembre 2004 et deux ans de prison ferme pour le sixième accusé. Le procureur général a, dans son réquisitoire, demandé l'application de la peine maximale à l'encontre de cinq accusés – l'ex-président-directeur général de la compagnie, Ali Koudil, le directeur de l'équipement et des techniques, le directeur technique du navire, l'inspecteur technique du bateau le Béchar, le directeur de l'armement du navire – et deux ans de prison ferme à l'encontre d'un sixième accusé, en l'occurrence l'ingénieur technique chargé du suivi du navire. La responsabilité pénale, a-t-il ajouté, «incombe aux cinq accusés qui savaient parfaitement que le navire n'était pas prêt à prendre la mer, d'où le caractère criminel des faits qui leur sont reprochés». Le naufrage du Béchar, a-t-il dit, «n'était pas une fatalité» comme l'ont déclaré les accusés, soulignant qu'il adhérait à la position de la partie civile dans l'affaire pour ce qui est de l'établissement des responsabilités en les personnes des accusés qui sont, selon lui, «responsables de ce naufrage». «Les accusés n'ont pas pris les précautions nécessaires pour garantir la sécurité du navire et de son équipage», a relevé le procureur général qui a précisé que «tous les témoins étaient unanimes à dire que le naufrage était dû aux carences du navire». Les avocats de la partie civile avaient auparavant affirmé, lors de l'audience, que l'établissement de la responsabilité dans l'affaire du Béchar requérait la définition des obligations de l'armateur en matière d'assurance du navire, de son armement pour la navigation, de la disponibilité des provisions en médicaments et eau pour l'équipage, conformément aux critères en vigueur dans la loi sur la navigation maritime. Après avoir passé en revue de nombreux témoignages et rapports des parties concernées en la matière, ils ont considéré que la CNAN «n'a pas respecté ses engagements car les autorisations d'exploitation du navire, de la radio et du radar avaient expiré, outre les pannes enregistrées au niveau des générateurs électriques du navire et de l'ancre». Le Béchar avait, selon les plaidoiries, pris la mer sans son commandant et en l'absence des officiers du pont, ce qui montre qu'il était en situation illégale, comme l'a souligné un des avocats. Les avocats de la partie civile se sont interrogés sur l'absence du contrôle technique du navire, insistant sur le fait que ces responsables auraient pu décider la non-autorisation de la sortie en mer du navire en raison des mauvaises conditions climatiques qui prévalaient alors. Le tribunal criminel devait entendre, hier après-midi, la plaidoirie de la défense des accusés avant les délibérations et le prononcé du verdict. Le naufrage du navire le Béchar, en novembre 2004, a fait 18 morts parmi les membres d'équipage. Le tribunal criminel près la cour d'Alger avait entamé l'examen de l'affaire en octobre dernier, mais avait décidé de la renvoyer en raison de l'absence de la défense de deux accusés, ce qui a amené le président de la cour à désigner deux avocats à leur place. La section criminelle du tribunal de Sidi M'hamed avait examiné cette affaire en mai 2006. Cinq accusés avaient été condamnés à 15 ans de prison et le sixième à une année de prison avec sursis, mais ils ont introduit un recours en cassation auprès de la Cour suprême la même année.Jeudi dernier, l'ex-président-directeur général de la CNAN, Ali Koudil, s'est défendu devant le tribunal des griefs qui lui sont reprochés. Dans son plaidoyer, dont Liberté a repris de larges extraits, M. Koudil a soutenu que les naufrages du Béchar et du Batna étaient dus à la force de la tempête, qui était extrêmement violente, et au point de mouillage. Il a expliqué que les deux navires en question étaient à quai. «Je ne suis pas armateur ni technicien», a-t-il affirmé, avant de préciser que «l'armateur est celui qui exploite un navire en son propre nom, alors que moi j'ai un contrat de travail et le bénéfice de la compagnie, je ne l'empoche pas». Il a ajouté que «les deux navires devaient aller au port de Béjaïa pour maintenance – un contrat avait été signé le 16 novembre 2004, soit deux jours avant le drame». Commentant les témoignages, Ali Koudil a soutenu qu'«ils ne sont pas crédibles». Pour lui, «ce sont des représailles». Il a indiqué également que «personne n'a prévu ces insuffisances». «Je ne pouvais jamais envoyer des gens à la mort et le commandant de bord ne pouvait se suicider. Quel intérêt aurais-je dans cette tragédie, je me retrouve en prison pour un délit que je n'ai pas commis», a plaidé Ali Koudil.