En dépit de la non-autorisation du colloque international sur les violences à l'égard des femmes, une journée d'étude sur le même thème a regroupé, jeudi dernier, quelques participants et des invités au siège de l'Association algérienne du planning familial (AAPF) à Alger. L'exiguïté des lieux n'a pas pour autant diminué de la pertinence des débats, qui se sont déroulés dans un climat de frustration. Légitime, le colloque devait réunir près de 200 personnes, dont une vingtaine d'invités étrangers, mais également les représentants de l'ensemble des institutions de l'Etat concernées de près ou de loin par le sujet, en cette Journée internationale de lutte contre les violences à l'égard des femmes. Au programme, les expériences italienne, tunisienne et marocaine, ainsi que des exposés sur l'état des lieux de la prise en charge des victimes de violences en Algérie, la situation juridique et une esquisse de plaidoyer pour une réforme des textes en la matière pour en faire une seule loi de lutte et de prévention contre les violences à l'égard des femmes. Des débats pertinents ont ponctué les travaux. Ainsi, il a été souligné la nécessité de conjuguer les efforts des différents acteurs de la société civile sans pour autant se substituer à l'Etat qui a le devoir et l'obligation de protéger les femmes de toute forme de violence et de protéger les victimes. «Nous n'avons pas les moyens de l'Etat pour assurer la prise en charge des victimes de violence. Ce rôle incombe aux institutions de l'Etat qui disposent de structures, de financements et de personnel. Nous pouvons participer à cet effort en tant qu'élément de soutien seulement», a déclaré une participante d'Oran. Une remarque qui soulève des interrogations sur le rôle et la mission du ministère délégué chargé de la Condition féminine et de la Famille et de celui de Solidarité, chargé également de la Famille. «Où en est la stratégie de lutte contre les violences à l'égard des femmes lancée il y a plus d'une année par le ministère chargé de la Condition féminine ? Quelles sont ses prérogatives ? Que fait cette structure sur le terrain ?» Autant de questions posées par quelques intervenants et qui n'ont pas trouvé de réponses. Pourtant, de l'avis de certains spécialistes, l'Algérie est parmi les rares pays qui ont élaboré une enquête nationale sur le fléau et mis en place une stratégie nationale pour lutter contre celui-ci. Sur le terrain, relèvent les intervenants, «en l'absence de structures étatiques et non étatiques suffisantes de prise en charge, de coordination entre les différents intervenants, de personnels formés, de réseaux adéquats de veille et d'alerte, le nombre de femmes violentées ne fait qu'augmenter d'année en année. Les statistiques, souvent en deçà de la réalité, montrent une hausse inquiétante des victimes, désormais de tous les âges, de toutes les catégories sociales et de tous les milieux. Aucune n'est épargnée, de l'école jusqu'à l'université, du foyer jusqu'au lieu du travail. La violence est partout et les agresseurs sont, dans la majorité des cas, les plus proches : le mari en première position, le frère, le père ou le fiancé. Les lois existantes constituent, pour certaines d'entre elles (comme le code de la famille), une violence, alors que d'autres sont loin de les protéger ou de les soigner de leur traumatisme. C'est le constat dressé par les professionnels du droit, notamment Mme Ghania Graba, dont l'intervention a fait la lumière sur les nombreuses aberrations des textes, leurs contradictions et leurs ambivalences qui engendrent sur le terrain beaucoup plus de complications qu'elles n'en résolvent. Pour cette raison, l'intervenante a insisté sur la nécessité de «ramasser ces nombreux textes, les réformer pour les expurger des points noirs et en faire une seule loi, très simple, qui pénalise les violences à l'égard des femmes, assure la prise en charge des victimes et les prémunit de toute autre forme d'agression afin d'éviter toute mauvaise interprétation, comme c'est souvent le cas aujourd'hui».