Pour être restés trop longtemps hors de France, des retraités maghrébins se voient ponctionner une partie de leurs prestations qu'ils auraient indûment perçues. Une pratique jugée discriminatoire. Lyon De notre correspondant La ville de Gennevilliers, en région parisienne, abritera, ce samedi, un séminaire de réflexion et d'action, intitulé «Stop au harcèlement des vieux migrants». Ce séminaire, organisé par l'Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), sera une occasion d'interpeller l'opinion sur la situation de ces personnes âgées qui, jadis, ont sacrifié leur jeunesse dans les usines, sur les chantiers, dans les champs et à la reconstruction de la France, et qui, désormais, à l'heure du repos bien mérité sont discriminées. Le séminaire comportera deux tables rondes. La première intitulée «Cadre de vie, besoin et attente des vieux migrants», la deuxième, quant à elle, aura pour thème «Droits sociaux et lutte contre la fraude». On y parlera notamment de la Caisse d'allocations familiales (CAF) des Pyrénées-Orientales (P.O) qui, en mai dernier, a suspendu le payement des allocations de quelque 150 retraités maghrébins vivant à Perpignan, essentiellement des Marocains. Il leur est reproché de ne pas occuper leur logement français au moins huit mois par an, durée légale pour bénéficier des aides de la CAF. Conséquence : certains propriétaires menacent désormais d'expulser ces personnes âgées de leur logement. Parmi les autres interventions très attendues, celle d'une association créée à Toulouse, en mars dernier. L'orateur évoquera les luttes des vieux migrants dans cette ville, dont le temps fort de solidarité s'est déroulé à la fin novembre. Le sujet est identique : les Caisses de retraites (CRAM pour le secteur industriel et MSA pour le secteur agricole) et d'allocations familiales reprochent aux retraités de rester trop longtemps dans leur pays d'origine, alors que la règlementation les assigne à ne pas dépasser six mois en dehors du territoire français pour bénéficier des versements des prestations vieillesse, allocation logement et familiales pour ceux qui ont des enfants mineurs. Samedi 27 novembre, à Toulouse, une manifestation a réuni 2000 personnes à l'appel de «Chibanis contrôlés», association lancée dans le sillage du travail fait par les anciens du groupe Zebda sous le titre «Origines contrôlées», avec comme mot d'ordre «Justice et dignité pour les Chibanis». Cette marche mettait un point final au forum «Chibanis contrôlés». Le collectif demande l'annulation des mesures de redressement et l'arrêt des contrôles discriminatoires, que la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et les inégalités) a estimé contraires à la Convention européenne des droits de l'homme. Le journal La Dépêche du Midi cite le cas d'un Algérien, Mohamed Mehdi, retraité, dont l'épouse et les cinq enfants vivent en Algérie. La CRAM lui réclame 22 885,39 euros de trop payé en raison de sa trop longue absence de France. «Jusqu'en novembre, il percevait une retraite de 823,50, abaissée depuis à 636,26 euros, et deux autres allocations de 303 et 246 euros qu'il a reçues pendant dix ans sans y avoir droit». Le retraité affirme : «J'ai travaillé en France depuis 1952. Au foyer, tous les vieux ont reçu une convocation à la CRAM, avec passeport, carte de bus, tout… Mais ce n'est pas ma faute, je ne savais pas, c'est injuste.» Sur 197 personnes contrôlées, 17 font ainsi l'objet d'un redressement et presque de ce qui ressemble pour les retraités immigrés à une sorte d'«assignation à résidence», comme le titre avec acidité et justesse, le quotidien L'Humanité. Ce n'est pas pour rien qu'une des contributions au débat lors du colloque de Gennevilliers portera sur les «Alternatives aux contrôles et aux harcèlements des vieux migrants».