Sa mort intervient le jour même où à Gennevilliers, les enfants de ses victimes baptisaient, en une cérémonie symbolique, la station de métro au nom du 17 Octobre 1961. Le sort aura voulu que Maurice Papon, l'ancien préfet de police de Paris, sera poursuivi par le spectre de ses crimes jusqu'a son dernier jour. Hier, Papon est mort, ce jour même où à Gennevilliers, les enfants de ses victimes baptisaient, en une cérémonie symbolique, la station de métro au nom du 17 Octobre 1961. Le jeune Mourad Slimani, chef d'orchestre de cette commémoration, n'était pas né ce jour où, sur ordre de Papon, des Algériens sont sortis manifester leur refus d'être emprisonnés dans les ghettos de la banlieue parisienne par une mesure de couvre-feu scandaleuse et pour exprimer leur totale adhésion au mouvement pour l'indépendance dans leur pays. Des «ratonnades» sanglantes les accueillaient sur les bords de la Seine mais également à Gennevilliers et d'autres quartiers de la capitale française. Les victimes furent jetées dans la Seine pour certaines, arrêtées et torturées pour beaucoup d'autres. Depuis, un silence coupable couvre cette tragédie et seuls quelques intellectuels, de plus en rares d'ailleurs, des cinéastes, ont tenté un travail de mémoire sur ce noir épisode. Une plaque commémorative avait été posée par le maire de Paris, Bertrand Delanoë, au prix de grandes négociations avec les politiques et l'administration. Depuis, rien de notable si ce n'est l'insultante loi du 23 février. Maurice Papon a, certes, été jugé pour crimes contre l'humanité par la justice de son pays, mais il s'agissait de ses victimes juives qu'il a livrées à l'occupant nazi. Pour ses victimes algériennes, il ne rendra compte qu'à l'Histoire. Pour Mourad «il y a une demande d'égalité dans les quartiers. Nous demandons que cette station soit un trait d'union entre les générations et les communautés pour construire une mémoire partagée. Nous voulons inscrire cette mémoire dans l'espace urbain et dans l'histoire de France». La cérémonie d'hier s'inscrit dans la semaine anticoloniale organisée jusqu'au 25 février par des associations et parrainée par des personnalités dont Noël Mamère des Verts, Samir Amin. Ce dernier, dans la présentation de l'événement, a mis en garde, dans une conférence de presse, contre l'illusoire fin du colonialisme. Même «si le mot impérialisme paraît aujourd'hui désuet, nous sommes de notre temps dans une offensive du capitalisme et du néocolonialisme qui fait partie de l'impérialisme». Il rappellera, à cet effet, l'agression préventive US contre l'Irak, la crise libanaise, l'Afghanistan, la prolifération des bases américaines en Afrique qui ne sont pour lui, que des nouvelles manifestations du colonialisme. La dette, les programmes d'ajustement structurel imposés aux pays du Sud, la régression du droit international illustré par Guantanamo tout autant que l'offensive idéologique en France pour la réhabilitation du colonialisme -loi du 23 février- sont les éléments pour réaliser la recolonisation. L'impérialisme américain est néanmoins confronté à une profonde crise idéologique et économique et une perte significative du pouvoir hégémonique. Le cas de certains pays du Sud, notamment en Amérique latine, prouve que la résistance des peuples gagne en envergure. Toutefois, les Etats-Unis pallient ce recul de leur idéologie par une hégémonie militaire dont l'Irak est actuellement la plus terrible démonstration. Mme Mireille Fanon, fille de Frantz Fanon, rappellera que le néocolonialisme n'est pas seulement contre les peuples mais aussi contre les personnes. La situation des banlieues en France? Les politiques de répression contre l'immigration sont l'expression de cette discrimination. Cette semaine d'action portera donc un message de solidarité avec toutes les luttes contre les différentes formes de colonialisme et contre la recolonisation actuelle. Etre antiraciste, anticolonial sont des valeurs positives diront les organisateurs, «c'est une façon de reconstruire une mémoire et l'avenir, y compris pour le peuple colonial lui-même».